Rosa (Candela Peña), bientôt 45 ans, est une espagnole altruiste qui réalise qu’à force de se mettre encore et toujours au service des autres, elle passe à côté de son épanouissement personnel. En effet, sa bonne volonté la met dans une situation de plus en plus désagréable. Son frère Armando (Sergi Lopez) et sa sœur la considèrent comme la boniche de service. La goutte d’eau qui fait déborder le vase, c’est lorsqu’elle retrouve chez elle, son père Antonio (Ramon Barea), endormi sur un canapé. Il lui annonce tranquillement qu’il s’installe. Il venait de temps en temps et s’entend plutôt bien avec Rosa. De là à ce qu’il s’installe à demeure !...


A son travail, même cause même effets pour Rosa qui se révèle du genre indispensable. Mais… il faut son absence pour qu’on s’en rende compte. Costumière, elle se montre capable de trouver le vêtement adapté sur simple demande, en allant fouiller dans des bacs immenses et pleins à ras-bord où d’autres n’imagineraient même pas que cela vaut le coup de chercher.


Bref, Rosa éprouve un certain ras-le-bol à l’approche de son anniversaire. Sur un coup de tête, elle décide de s’échapper de cette ambiance à Valence où elle ne s’épanouit pas. Après un petit temps de réflexion, elle prend le téléphone pour prévenir son amie Violeta (Nathalie Poza) qu’elle ne rentrera pas. Et elle finit par lui annoncer qu’elle va se marier, avant de faire la même annonce à sa famille, les invitant sur une plage. Surprise pour tous : avec qui se marie-t-elle si soudainement ? Comme elle ne veut rien dire, elle prépare sans le vouloir le terrain pour un enchainement de circonstances qui virera au délire. C’est seulement à Violeta que Rosa ose préciser son idée :


Idée sur laquelle repose le film : à ne surtout pas dévoiler !


On peut prendre ce film comme une comédie qui propose une situation inédite avec son lot de conséquences à tendance grinçante qui amusent vraiment. On peut aussi le prendre comme une provocation dont la réalisatrice assume l’état d’esprit. Un point saute aux yeux : la majorité des personnes qui assistent au mariage de Rosa n’en croient pas leurs yeux et leurs oreilles. Il risque d’en être de même pour les spectateurs/spectatrices. Bien évidemment, pour la réalisatrice**Iciar Bollain**, on sent que le but est d’amuser. Mais sa situation de base risque quand même de ne pas passer auprès de tout un chacun et de provoquer chez certains spectateurs-spectatrices les mêmes réactions qu’on observe parmi quelques invités de ce mariage hors normes. Il faut dire que, croyant bien faire, Armando le frère de Rosa décide de rameuter in-extremis toute la famille. Il considère que Rosa a droit à un vrai mariage avec une cérémonie à l’église suivie d’une fête avec toute la famille.


Autant dire que si l’aspect comédie est exploité et permet de sourire quand on commence à comprendre où veut en venir la réalisatrice, il reste toujours un fond de gêne. A l’image de Rosa qui réalise un peu tard que, sans le vouloir, elle a initié une situation qu’elle ne maîtrise pas.


Maintenant, il faut voir que Rosa ne pense pas à mal. Ce mariage, c’est l’idée qui lui est passée par la tête pour faire comprendre aux uns et aux autres que ce qu’elle veut faire savoir compte particulièrement à ses yeux. Visiblement, elle n’a pas trouvé d’autre solution pour annoncer de façon solennelle à ses proches qu’elle s’engage ! D’ailleurs, dans son discours, elle affiche des intentions personnelles, car pour obtenir l’estime des autres, la base est de se porter soi-même une estime correcte.


Pour celles et ceux qui reprocheraient à Rosa (et bien évidemment à Iciar Bollain) de bafouer le lien sacré du mariage, on pourra objecter qu’il a considérablement perdu de sa valeur à force d’être galvaudé voire ridiculisé. Le cinéma regorge de situations illustrant toutes les facettes de la question.


Enfin, rappelons que dans la vie, les règles sont rarement figées, même s’il s’avère difficile de les faire évoluer. A tel point que celles et ceux qui ruent dans les brancards pour les modifier sont régulièrement considérés comme scandaleux. Rien de tel dans les intentions de Rosa. Tout juste peut-on lui reprocher de se montrer maladroite et un peu irréfléchie. Par contre, en suivant son idée, elle ose dépasser ses faiblesses et aller à l’encontre des idées reçues. Sans aller jusqu’à l’encenser, on peut lui accorder le bénéfice du doute au vu de ses intentions. Même constat pour la réalisatrice qui, sans atteindre la vraie réussite, ose au moins proposer quelque chose de parfaitement inattendu. Sans faire rire à gorge déployée, au moins réussit-elle à surprendre.


Parmi les reproches qu’on peut faire au film, c’est de se concentrer avant tout sur Rosa, son caractère, les relations qu’elle entretient avec les uns et les autres, enfin et surtout son incroyable volonté sinon de changer du tout au tout, du moins d’évoluer dans le bon sens. Iciar Bollain parvient à insuffler suffisamment de vie dans son personnage afin qu’on éprouve de la tendresse pour Rosa. Cinématographiquement parlant, le film vaut donc avant tout pour son scénario (cosigné Iciar Bollain et Alicia Luna) et pour la performance de Candela Peña.


Film vu en avant-première au cinéma Utopia-Tournefeuille le 24 août 2020

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le 17 sept. 2020

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