Dès les premières notes, inaugurant un ballet aquatique ne ressemblant à rien d’autre (d’encore) connu, l’évidence s’impose d’elle-même : The Land Before Time n’aura de cesse de nostalgifler le spectateur pourtant averti (ce qui vaut bien un petit barbarisme). Il s’inscrit ainsi parmi l’élite des films vous renvoyant invariablement des dizaines d’années en arrière, ceux-là mêmes qui réveillent d’un claquement de doigt le môme, le bambin sommeillant en vous : c’est proprement fascinant.
Déjà consacré par le fabuleux Brisby et le Secret de NIMH, puis par un certain Fievel qu’il me tarde de redécouvrir, Don Bluth confirmait ses excellentes prédispositions au travers d’un nouveau film d’animation… faussement à destination des plus jeunes. Quoique plus enfantin que le susnommé, convenons en effet que sous ses dehors initiatiques et émerveillants, The Land Before Time dépasse pareille condition : empreint d’une mélancolie folle, capable de tours de force dramatiques et de crescendo tout en tension, celui-ci est de ces pontes carburant aussi bien à la tendresse qu’au grand frisson.
Mais ce qui frappe au terme d’un visionnage adulte, c’est la « crédibilité immature » de sa brochette de dinosaures découvrant l’âpreté de l‘existence : précipités au cœur d’un monde crépusculaire, confrontés aux dangers d’une prédation tenace, Petit-Pied, Céra et compagnie vont essuyer les plâtres d’une Terre agitée de soubresauts dévastateurs sans pour autant se départager d’une juste innocence. Et si les plus jeunes ne manqueront pas de s’identifier aisément à ces derniers, et ainsi prendre de plein fouet la terreur qu’inspire ce satané Dent Tranchante, nul ne saurait être insensible aux sujets que porte une trame plus riche qu’il n’y paraît.
Car sous couvert de la quête d’un Eldorado verdoyant, gage d’une survie fantasmée comme miraculeuse, The Land Before Time brasse avec un certain doigté les thématiques du deuil, de la famille et du sentiment d’appartenance, sans oublier la prépondérance fondamentale du cycle de la vie. Suivant le cheminement de cette petite troupe hétéroclite rassemblée par la force des choses, l’intrigue distille sans excès touches comiques bienvenues et péripéties aux finalités multiples que sont les blessures morales, le renforcement des liens ou encore le mûrissement de ses figures principales.
Le résultat est d’autant plus estimable que sa genèse démontre d’une profonde mutation dans sa production, les ténors Lucas et Spielberg ayant ambitionné un « Bambi-like » d’abord muet, pour finalement atténuer la savante noirceur propre à Bluth : le film aurait ainsi pu être encore plus remuant dans sa démarche, mais son présent équilibre souligne malgré tout sa réussite… quand bien même celle-ci aurait été entachée d’aspirations mercantiles et de parents à caresser dans le sens du poil. Finalement, tout arrive !
Bref, sans compter l’apport d’un casting vocal aux petits oignons (la version française est d’ailleurs on ne peut plus qualitative), ce conte d’antan est un must-seen indispensable pour tout marmot qui se respecte : mais même sans cet intangible et prégnant effet nostalgique, la puissance sobre de ses images, de son accompagnement musical et de ses concepts universels font de The Land Before Time un incroyable film tout court, énième preuve d’un savoir-faire alternatif à celui du mastodonte Disney.