Si sa préparation a débuté au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Le Roi et l'Oiseau ne verra le jour qu'en 1980, à cause de désaccords financiers et dont une première version, La Bergère et le Ramoneur, reniée par Grimault et Prévert, est sortie en 1953.
Malgré la mort de Jacques Prévert en 1977, son apport n'en reste pas moins très important, et Le Roi et l'Oiseau restera son oeuvre à lui et Grimault, où la poésie est sublimée par une richesse thématique et une ambiance forte et surtout belle. Une beauté que l'on retrouve à la fois dans l'animation, la musique ou le destin de la bergère et du ramoneur, dont l'histoire est inspirée des écrits de Hans Christian Andersen.
Dès les premières secondes, on ressent à la fois la poésie et la dimension puissante et particulière de l'oeuvre, parfois assez froide pour mieux mettre en avant la solitude de ce dictateur. Il y a comme une sensation de se retrouver dans le 1984 de George Orwell ou Metropolis de Lang, avec une ambiance similaire, limite oppressante par moment, tandis que les auteurs dépeignent de passionnants personnages, que ce soit l'oiseau, nos deux héros ou le Roi, chacun ayant des caractéristiques propres tout en véhiculant diverses émotions.
La richesse thématique ne se limite pas à une satire des dictatures, mais aussi, entres autres, à la violence de nos sociétés, l'oppression du peuple et sa non-liberté ou encore la course à la modernisation et aux objets inutiles (avec une nuance magnifiquement symbolisée par la séquence finale). Ce dernier point démontre d'ailleurs toute l'inventivité dont font preuve les auteurs, avec une réelle science du détail et une imagination sans faille, comme en témoigne le royaume.
On peut d'ailleurs aussi saluer de nombreux aspects techniques comme le montage et la coloration, qui participent pleinement à l'atmosphère parfois surréaliste de l'oeuvre et donc à l'immersion. Les messages ne sont jamais lourds et surtout proposent une réflexion, à l'image de l'oiseau se battant pour ses propres idéaux, alors que la bande-originale est remarquable, devenant même un personnage à part entière.
Jacques Prévert et Paul Grimault signent avec Le Roi et l'Oiseau une oeuvre remarquable, d'une rare puissance, poésie et intelligence où l'inventivité se mêle avec la réflexion dans une ambiance oscillant entre dérangée et surréaliste.