Le titre français, autant que le bref résumé que l'on peut lire sur la fiche de ce film, sont un double leurre. Car le film de Paolo Virzi - adapté d'un roman américain considéré en 2004 comme l'une des 5 meilleures œuvres de fiction par le Washington Post - est bien plus qu'une simple histoire d'arrivisme et de cupidité.
Il capitale umano (le capital humain) raconte des histoires d'aujourd'hui, des vies qui se croisent dans une Italie pleine d'inégalités où l'envie, la frustration, la rivalité et le désir de gagner toujours plus habite chaque être, à tous les niveaux de l'échelle sociale. Admirablement construit, divisé en quatre chapitres - autant de points de vue sur la même histoire (un accident impliquant directement ou non les personnages principaux) - le film déroule habilement son intrigue, entretenant le suspense avec une grande maîtrise dramatique.
Le film démarre par un accident de la route : de nuit, un cycliste est renversé par une voiture anonyme qui prend la fuite. Cet événement est le fil rouge de l'histoire, la soirée marquante autour de laquelle se nouent des tragédies à plusieurs voix.
Le spectateur rencontre les Bernaschi, une très opulente famille constituée d'un couple (un homme d'affaires très occupé qui n'a guère le temps pour sa femme, la superbement désoeuvrée Valeria Bruni-Tedeschi) et de leur fils de 17 ans, Massimiliano. Ce dernier est en couple avec Serena Ossola, qui vit auprès de son père, Dino, un modeste agent immobilier sans le sou, désireux de se faire bien voir de sa "belle-famille" dont il jalouse la réussite matérielle, et Roberta (la toujours bouleversante Valeria Golino), sa belle-mère psychologue.
Le matériau romanesque est enrichi par un scénario pas manichéen pour un sou, surprenant et original qui permet d'adopter le point de vue de plusieurs personnages. L'intrigue est essentiellement centrée sur les femmes : Carla Bernaschi et Serena Ossola. La première mène un train de vie somptuaire qui ne l'épanouit guère, traînant un regard las sur les rues qu'elle parcourt à l'arrière de sa voiture avec chauffeur en quête d'une nouvelle babiole à acheter, ou faisant quelques brasses dans sa grande piscine intérieure. L'image met magnifiquement l'actrice en valeur, nimbant ses apparitions d'une mélancolie certaine mais résolument glamour. Le phrasé si musical de la langue italienne parachève cet émouvant portrait de femme délaissée, impeccablement interprété par l'actrice turinoise.
Serena Ossola est, quant à elle, une adolescente sensible et passionnée, assez mystérieuse, dont on comprend seulement vers le milieu du film la vérité de sa relation avec Massimiliano, le fils de bonne famille. Le réalisateur dépeint avec une grande justesse les émois adolescents, leurs excès fougueux, leurs convictions puissantes et leur sensualité ardente, le tout porté par de jeunes acteurs beaux, touchants de naturel et ne cherchant jamais à se réfugier dans une emphase artificielle.
Il capitale umano est une tragédie polyphonique vertigineuse, où le réalisme social le dispute aux rebondissements les plus théâtraux : un excellent film couronné de nombreux prix pour son scénario audacieux et ses interprètes marquants.... A faire connaître absolument !