Charles est un être humain de piètre qualité (le fait que Charles s’appelle Charles n’est pas un élément très important, il pourrait très bien s’appeler Pierre-Alexandre, Lucas, William ou tout autre prénom évoquant à vos yeux une personne désagréable – pour continuer dans ce sens, ses caractéristiques physiques n’importent que très peu également, Charles pourrait être petit ou grand, mince ou gros, jaune ou vert, cela ne changerait finalement pas grand-chose – Charles est juste un de ces êtres humains qui vous font apprécier la solitude).


S’il était un insecte, Charles ferait sans aucun doute un très bon spécimen de moustique. Il dormirait tranquillement allongé dans un coin du plafond de votre chambre, pour se réveiller au moment où les lumières s’éteignent. Il s’étirerait un peu en baillant, se frotterait les yeux, passerait aux toilettes avec un magazine sous le coude, et en ressortirait en sifflotant pour venir vous voler dans les oreilles. Il effectuerait sa petite balade nocturne dans la périphérie de votre système auditif, avant de s’asseoir à la table de votre mollet et d’y déguster vos jambes. Après quoi il retournerait s’installer sur votre plafond pour y piquer un petit somme digestif et s’y faire oublier le temps de quelques heures. Jusqu’au jour où il ferait connaissance avec la pomme de votre main et resterait hanter votre mur blanc à tout jamais depuis sa tâche de sang rouge devenue marron boue d’automne.


S’il était une route, Charles serait une autoroute bouchonnée aux heures de pointe, à la sortie des bureaux, quand tout le monde reste bloqué au milieu des files de véhicules pendant une bonne heure après une journée de travail, où l’être humain de bureau a remplacé depuis quelques années déjà son sourire par un masque de lassitude et évite soigneusement de regarder dans le rétroviseur intérieur de sa voiture, de peur de croiser son regard et de voir, là, quelque part au fond de ses pupilles, l’enfant qu’il était le fixer, de ses petits yeux dégoulinant de désillusions.


S’il était un repas, Charles constituerait un plat de pommes-de-terres réchauffé au micro-onde durant une soirée de novembre. La lumière blafarde du micro-onde éclairerait la cuisine de son halo surnaturel pendant que la pluie tambourinante sur les fenêtres accompagnerait le chant monocorde des ondes réchauffant les pommes-de-terre. Les pommes-de terres réchauffées seraient rapidement englouties, affalé tout seul devant la télévision. C’est toujours très agréable.


Mais Charles n’est rien de tout ça. Charles n’est pas un insecte, ni un repas, ni une route, bien qu’il ferait sans aucun doute une très belle autoroute embouteillée. Mais non, Charles est un être humain. Un être humain de piètre qualité. Et dans la vie, Charles fait des bande-annonce. Des bande-annonce où il glisse toute l’histoire, met chaque petit rebondissement et va même jusqu’à révéler la fin, détruisant toute la pression et toute la montée en tension et tout le suspense sur lesquels s’appuie un film qui en manque déjà cruellement, réduisant l’expérience cinématographique qu’est la vision Des Proies, au plaisir d’être installé sur le banc d’une gare - disons la gare Bruxelles-Midi – en attendant un train qui semble ne jamais vouloir arriver. Il doit avoir quelque chose de plus important à faire, comme écouter les oiseaux chanter, sentir le vent sur ses fenêtres ou regarder le temps passer.

Clode
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le 26 août 2017

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