D'abord, l'évidence. Ayant vu Django Unchained et 12 Years a Slave au cinéma dès leur sortie, avec deux approches totalement opposées sur le sujet de l'esclavage, il est totalement impossible de ne pas voir la filiation qui existe entre ces deux films et Mandingo, 40 ans avant. Ensuite, je dois dire que l'oeuvre de Richard Fleischer commence à m'intéresser de plus en plus. J'ai beaucoup aimé The New Centurions et l'Etrangleur de Boston, très avant-gardiste dans le traitement de la police et du serial-killer, et dans leur réalisation, et j'ai très envie de voir ses fresques (Les Vikings, 20.000 lieues sous les mers et le Voyage Fantastique).
Alors, je me suis lancé dans Mandigo. Et quel voyage ! Un peu de contexte. 1840, la Louisiane esclavagiste, une plantation, un grand propriétaire malade et son fils boiteux, et des dizaines d'esclaves et une scène d'ouverture inconfortable de vente de certains esclave. L'histoire s'articule autour de deux intrigues principales : la recherche d'une femme pour le fils, et la recherche d'un mandingue, un esclave de combat, pour le père. Et petit à petit ces deux histoires se rapprochent, jusqu'à la collision.
D'abord, le film est rempli de personnages très très fort. Lucrèce Borgia, la mama de la plantation, mère de tous et personnage respecté malgré son statut, Agamemnon ensuite celui qui essaie d'éveiller une conscience révolutionnaire chez ses collègues d'infortune. Mais ce sont surtout les personnages du fils, Hammond, et de celle qui va devenir sa femme, Blanche, qui sont fascinant. Le premier s'amourache d'une esclave, Ellen, qu'il prend comme concubine, et qu'il semble aimer plus que Blanche, qu'il épouse par conformisme et pour donner un héritier à son père. Blanche elle, se lie à Hammond pour échapper à sa famille, mais sombre vite dans l'alcool et la jalousie, car réléguée derrière les esclaves dans le coeur de son mari, derrière Ellen et Mede, le mandingue.
Le génie de son film c'est la façon dont il parle de l'esclavage. Ici peu de violence physique, loin de 12 Years a Slave. On pourrait presque voir en la famille Maxwell des "maîtres" justes, en comparaison des autres esclavagistes croisés dans le métrage. Hammond est presque progressiste, car il est l'un des seuls à ne pas traiter les esclaves comme du bétail (ce qui est fait tout au long du film, notamment sur ce marché aux bestiaux et aux esclaves, dans le premier tiers). Mais la violence est plus systémique. Dans ces familles séparées de force, dans ses combats de mandingue d'une violence inouïe, dans les actes horribles qu'ils s'ont obligé de s'infliger les uns les autres, la soumission aux volontés de personnages indécents.
Le plus terrible est de voir que les esclaves, objectifié et bestialisés par leurs maîtres, semblent plus évolué qu'eux. Capables de compassion, de solidarité, alors que la famille Maxwell est une fin de race, dans une aristocratie consanguine et incestueuse, parlant un anglais dégénéré et approximatif, croyant à des remèdes charlatanesques pour se guérir. Alors, une forme de révolte est inéluctable, mais tous seront punis, les bons et les mauvais.
Mandingo est un film immense, qui rassemble avec brio les thématiques de l'esclavage. Film boudé et détesté à sa sortie, il mérite une seconde lecture dépassionnée et objective, sur une fresque fascinante et totale