Le temps est-il une unité dans la représentation viable d’une quête spirituelle ? Quand il est accompagné de constance, il semble que oui. Quoique Eat Pray Love paraisse plus long qu’il n’est, il ne manque clairement pas de souffle, n’usant pas de rebondissements en son cœur mais d’une matrice de faits et gestes si délicatement déposés dans l’histoire qu’ils forment des setups/paybacks remarquables et naturels.
Le film va au-delà des cœurs brisés, dans ce monde d’outre-rêve que n’effleureront jamais ni les résumés ni les bandes-annonces. Et en ça, Murphy se condamne à ce qu’on ne voie pas qu’il s’essaye à filmer tout : New York en Woody Allen, Rome en Ron Howard, l’Indonésie en Martin Campbell. Mais la création de Murphy dépasse le Beyond Borders que je viens d’insinuer (même si le titre colle à ce que j’en pense) en ce qu’il crée notre besoin d’être ailleurs, nous faisant attendre que Julia Roberts chasse ses rêves et un avion afin de déménager le décor.
Il est hérissé de piques d’humour drôles par leur inatendu plus que par leur nature, et se vante d’une BO aux goûts de Neil Young et Fleetwood Mac entourés de João Gilberto (dont on essaye de faire croire que Javier Bardem parle la langue) et de musique locale, autant de sons qui se perdent dans une utilisation variable et hésitante, de la sourdine à la répétition. Ces inconstances sont laides de près, mais puisque l’histoire trouve vite son rythme jusqu’à donner l’illusion de la longueur, il y a un effet de flou bien maîtrisé qui se dégage du tout, une masse d’où sont tirés des parallèles un peu trop symbolistes pour être honnêtes, mais aussi un Richard Jenkins fringant et une psychologie qui n’est pas survolée.
Oui, le film est superficiel en tout, mais d’une manière lisse qui rend sa surface plane – plane, planante. Ça l’éloigne du chef-d’œuvre mais ça rend la route agréable.
Quantième Art