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Note attribuée aux effets spéciaux : 8/10. Note attribuée au scénario : 2/10. Résultat : 5. Ça se tient, non ?

Pacific Rim... Bon, oublions un peu le titre, qui évoque davantage un porno californien ou une boisson à bulles qu'un film de monstres gigantesques détruisant bruyamment notre bleue planète.

Pacific Rim. On l'attendait, celui-là. Projet dantesque. Le plus cher de son réalisateur. 200 millions de milliards de yens ! Des années, qu'il lui a fallu, à son géniteur aimant. Guillermo Del Toro n'avait pas sorti de nouveau film depuis Hellboy 2, en 2008. Hellboy 2, excellente suite et solide film de superhéros politiquement incorrect qui brillait par son esthétique flamboyante... comme toujours chez Del Toro. Son talent de metteur en scène, sa passion pour les séries b, son goût spécial pour les effets spéciaux et ses compétences artisanales étaient même parvenus à sauver la saga Blade, en 2004, avec une (autre) suite de bonne facture. Et puis, le maestro from Mexico a depuis longtemps la cote auprès d'une cinéphilie plus exigeante ; depuis 2006, plus précisément, année de la sortie du Labyrinthe de Pan, chef-d'oeuvre de sa carrière s'il en est. Voyant l'ampleur massive de Pacific Rim et l'attachement du réalisateur au projet, on était en droit d'attendre un GRAND film. On ne pouvait que saliver à l'idée du premier film de mecha digne de ce nom. Les mechas, robot géant du manga, violon d'ingre de l'otaku standard, genre à part entière et des plus nobles dans le vaste tableau de la japanimation (voir les increvables saga Gundam et Macross, Patlabor, et le cultissime Neon Genesis Evangelion)... Et l'on ne parlait pas d'un sous-blockbuster nippon bâclé par un yes-man de studios ignorants en la matière (nombre de grands blockbusters de SF nippons, so far : zéro). Ni d'une adaptation de série animée japonaise existante en prise de vues réelles, entreprise historiquement suicidaire. Non, un VRAI film de robots géants, made in America, adopté par un réalisateur mexicain caractériel, et capable de mettre en scène des mondes originaux et cohérents. Pas donné à tout le monde, ça. On imaginait le potentiel de transposition. Jaeger contre Kaijus, artillerie teutonisante (jäger signifie chasseur en allemand) contre créatures japonaises quasi-mythologiques, sous la houlette d'un chef d'orchestre chicanos. Pa-pa-paw.

Résultat des courses : de prime abord, à l'exception d'une introduction pré-générique un peu bâclée, Pacific Rim est un beau et grand putain de spectacle, qui bénéficie en bonus d'un travail d'adaptation 3D de qualité. Comme toujours chez Guillermo Del Toro, la forme est à la fois complexe et d'une limpidité confondante, marque des grands faiseurs. Les effets spéciaux sont d'une qualité supérieure à la moyenne des blockbusters dotés du même budget : quand l'orchestration des scènes d'action, à la hauteur de leurs titanesques protagonistes de métal, créé une impression exaltante de surpuissance, ils veillent à ne pas laisser le spectacle s'embourber dans l'abstraction numérique. Les torrents de pluie battent la carlingue, Goldorak boit la tasse, l'organique se mêle au mécanique ; l'"impression de réel" est généralement préservée du début à la fin du show. En matières d'orgie pyrotechnique et de ballet mécanique, Pacific Rim est un bolide tout-terrain qui assure au public une traversée sans danger (mais avec quelques coups de stress), que ce soit en mer, ou dans la jungle urbaine de Hong-Kong, qui se transforme pour l'occasion en vulgaire château de Lego. On lui reprochera éventuellement son obsession presque dogmatique pour le fluorescent, et sa préférence un peu pratiques pour les scènes nocturnes (les imperfections se voient toujours moins dans le noir), sans aucune autre justification qu'un désir de faire gicler ses précieuses couleurs, nous donnant parfois l'impression de nous trouver en pleine boite de nuit, avec ses stick luminescents, et la boule à facette jouant les orages. Mais d'aucuns rappelleront que ces éléments sont parties intégrantes de l'identité de Pacific Rim. Insister davantage sur ces excès, ce serait cracher dans la soupe.

Pour qui a vu le Neon Genesis Evangelion du légendaire studio Gainax, Pacific Rim ne raconte pas grand chose de nouveau. On y retrouve l'opposition robots contre monstres, l'effort international, les gouvernements impotents laissant gérer seule l'agence responsable des Jaeger, les associations visuelles des Jaeger à des pays (USA, Russie, Chine...), la connexion neuronale entre le pilote et le Jaeger, et même le fluide orange de la combinaison de pilotage. Mais cela ne dépasse jamais la simple inspiration teintée d'hommage.

Bien sûr, au royaume du "réalisme" et de la cohérence, Pacific Rim ne touche même pas le RSA. Par esprit de tolérance fanboyesque, mais aussi par esprit simplement pratique, on accepte sans mal son échec à justifier la création de ces robots (puisque leurs missiles endommagent les Kaijus, pourquoi ne pas les monter sur de simples supertanks ? Puisque nombre de Kaijus ne volent pas, pourquoi ne pas les monter sur des avions de chasse ? Etc.) A priori, aucune ne fonctionnerait. Et puis, il n'y aurait plus de film, stupide moi. De la même façon, on encaisse bon nombre de loupés scénaristiques (pourquoi placer les pilotes dans la TÊTE du Jaeger, et non à un emplacement plus sécurisé, comme son tronc ? Autre exemple, dans les vingt dernières minutes, alors qu'elle se trouve en mauvaise posture, Mako sort d'on ne sait où une gigantesque épée qui découpe en deux le pauvre Kaiju... pourquoi ne l'avait-elle pas sortie depuis le début, au juste ? Pourquoi AUCUN Jaeger n'en avait une à la main depuis le début ?). Quelques uns insultent l'intelligence de public. Mais l'important n'est pas là, l'important, ce sont les mandales bibliques, et les challenges des hommes et femmes pilotant ces géants de fer. Vous voyez, on est cool. Cela nous fait beaucoup de "non, mais", comme vous pouvez le voir. Il est maintenant temps de passer aux "OUI, mais."

Bien avant tout cela, dès le début, s'insinue dans le spectacle le PREMIER VRAI "mais". Le "mais" de mauvais augure. Comme le rapace chouinant perfidement de sa branche, si vous voulez. Un bon indicateur de défaillance, dans un film à grand spectacle, est l'absence de bande originale de qualité. On n'est pas chez Cassavetes ou dans The Wire, ici. On est dans du show borderline opératique. Or, le compositeur Ramin Djawadi a visiblement été absent aux cours, et n'a pas été capable de produire UNE mélodie identifiable, encore moins mémorable. La morosité de son travail avait déjà causé problème au premier Iron Man (étrange, qu'on ne l'ait pas embauché pour les suites...). Cela n'avait pas pour autant eu de conséquences désastreuses. Peut-être parce qu'Iron Man, premier du nom, était autrement plus réussi que Pacific Rim, premier et euh sans aucun doute dernier du nom ?

C'est dit. Votre serviteur a évoqué, voire invoqué plus haut les excellents films de Del Toro que sont Le Labyrinthe de Pan et Hellboy 2. Le problème est que ni Le Labyrinthe de Pan, ni Hellboys 2 n'ont été écrits par Travis Beacham. Alors que Pacific Rim, oui.

Le mois dernier, votre même serviteur (enfin, moi, quoi) avait descendu en flammes, et à son corps défendant, le mauvais scénario que David S. Goyer avait écrit pour Man of Steel. Il était cependant question d'inégalité, dans sa critique : tout n'était pas à jeter. Dans son gloubi-boulga narratif globalement bas-de-plafond, Man of Steel réservait à l'audience quelques oasis de qualité (les bad guys Zod et Faora, par exemple). Ce mois-ci, Pacific Rim ajoute sa pierre à l'édifice monumental des blockbusters mal écrits, et cette pierre est autrement plus lourde, car cette fois-ci, le tracé demeure désespérément plat du début à la fin du film. Pas de sursauts, ici, pas d'oasis, pas d'élément rédempteur. Une harmonie parfaite dans le moyen moins. Travis Beachman ! Le gars à qui l'ont doit le Choc des Titans de Louis Leterrier, quand même. Faut pas l'oublier. "Choc des titans". On pourra toujours dire qu'il était prédestiné à écrire Pacific Rim. A cela, on pourra toujours répondre qu'il n'était plutôt apte à écrire ni l'un, ni l'autre, étant donné le résultat.

Parce que la dure réalité est qu'entre ses multiples combats de "titans" (enfin, même pas si multiples que ça), Pacific Rim ennuie un peu son monde. Tout est traité par dessus la jambe, et ne parvient donc pas à excuser l'impérieux sentiment de déjà vu qui plombe nombres d'éléments. Le héros perdan son encore plus héroïque grand-frère en guise de prologue, le général/colonel/maréchal monolithique et intraitable cachant au fond de lui-même un petit coeur fragile comme des pétales de rose un petit matin d'avril, la jolie guerrière au passé mystérieux, le pilote péteux en guise de pseudo-némésis du héros... ! Top Gun et sa rivalité homoérotique Maverick/Iceman ne sont pas loin. Oui, sur ce plan, Pacific Rim n'est pas plus subtil que les films-catastrophes (et catastrophiques) de Roland Emmerich Independence Day ou Godzilla. Le discours aussi solennel qu'inepte du général/colonel/maréchal Pentecost rappelle d'ailleurs celui du président Whitmore dans ID4, comme les deux scientifiques hystériques (et censément comiques) rappellent ceux, français et ridicules, de Godzilla. Parfait exemple de n'importe quoi cartoonesque là où on exigeait un MINIMUM de sérieux. Rien qu'un minimum !

En dehors des bouffons de service, les autres personnages n'existent quasiment pas : on introduit en grande pompe des proclamés brillants pilotes russes et chinois, mais ces derniers se font massacrer au bout de deux minutes sans nous laisser le moindre souvenir consistant, ni même leurs noms. On se réjouissait de voir dans un rôle-joker l'acteur fétiche du réalisateur, Ron Perlman ; hélas, son personnage, le gangster Hannibal Chau, se révèle vite aussi intéressant que le gros banquier russe de 2012 (oui, lui). Travis Beachman n'exploite même pas intelligemment une des rares bonnes idées originales de Pacific Rim, qui est le besoin de compatibilité psychique entre les deux pilotes d'un Jaeger. On a bien une excellente scène de confusion, où Raleigh se retrouve dans le rêve-traumatisme de Mako... puis s'en va. Il ne fallait surtout pas effrayer le pop-corneur grassouillet venu là juste pour mater des combats de robots géants...

Encore une fois, on ne critique même pas ce spectateur-là, ni cette partie du show. Pacific Rim est un film catastrophe familial. Ce n'est pas le premier, ni le dernier. Et comme dans le cas du récent World War Z, ça ne pose pas de réel problème. Pas besoin d'entendre un "fuck !" toutes les deux minutes, ni de crachages de viscères, ou de scènes de sexe torride pour établir une connexion entre l'audience et les héros d'une aventure. Encore faut-il que ces héros existent. Or, là, ils... vivotent. Même les personnages des films de Joseph Kosinski, Tron Legacy et Oblivion, pourtant pas son principal atout, étaient cent fois plus incarnés. Une bonne bande originale aurait peut-être comblé partiellement cette vacuité affective. Un peu d'emphase. Quelque chose. Pas grand chose.

Contrairement à ce qu'avancent pas mal de gens, le problème ne se situe donc pas au niveau de l'interprétation, ni du casting. Dire que Charlie Hunnam manque de charisme, c'est ne pas avoir vu un épisode de Sons of Anarchy. Le grand Idris Elba ne pouvait pas faire grand chose du personnage de Stacker Pentecost, caricaturalement monolithique, et à peine plus intéressant à jouer que son pilote kamikaze de Prometheus. Sur un plan dramaturgique, la pilote nipponne Mako est le personnage le mieux traité du lot (hasard ?). C'est elle qui a les scènes les plus fortes. Et Kikuchi Rinko livre une performance réussie, mais... ça ne compense pas la pauvreté de ses interactions avec les personnages joués par Hunnam et Elba. Pas de connexion. Pour tout dire, la mini-hamster Mana Ashida, qui joue Mako gamine dans son rêve-flashback traumatique où elle se rappelle l'attaque de Tokyo, livre la seule performance vraiment touchante du film.

Faire de l'anti-Transormers, c'est bien ; à condition d'avoir son propre plan de vol. Un fantasme de geek prenant vie, c'est formidable, dans l'idée ; mais ça ne fait pas forcément un plaisir de cinéphile. Se contenter de mettre en scène des bagarres de mechas, c'est nous pondre un Transformers avec des monstres, et sans la connerie congénitale. Certains estimeront que c'est amplement suffisant. En considérant tous les arguments pour, et si l'on est un peu nerd, en laissant parler son amour du genre, et sa nostalgie de son adolescence bercée par ces spectacles pour dégénérés, on a envie que ça marche. Mais au final, on devra se rendre à l'évidence que ça ne marche pas autant que ça le devrait. Parce qu'on a grandi, peut-être. Pas trop non plus, puisque les combats de robots géants, ça nous plait plutôt deux fois qu'une, mon Capitaine. Mais... pas sans substance. Pas sans humain. De ce point de vue, avec Neon Genesis Evangelion, Anno Hideaki s'était montré autrement plus inspiré. Ce sont ses personnages, Asuka, Mitsuko, et même la serpillère Shinji, qui fasiaient l'histoire ; pas les EVA.

En réservant 98% de leur durée à des images de mechas numériques et 2% à trois pauvres plans d'acteurs, les dernières bandes-annonces de Pacific Rim avaient quelque chose de révoltant. Votre serviteur s'était plaint que les sombres crétins responsables de ces BA voulaient sans doute faire passer Pacific Rim pour un jeu vidéo de baston, oubliant que c'était du septième art, nom de Dieu. Mais au fond, lesdits sombres crétins n'avaient pas si tort que ça : Pacific Rim ne propose pas grand chose d'autre.

La sincérité de Guillermo Del Toro, ainsi que l'implication de ses acteurs dans un rêve de gamin, font partie de ces éclats qui animent Pacific Rim d'un minimum de substance. En posant une oreille aimante sur la pellicule, on sent le cinéaste fou qui s'amuse en-dessous. C'est un peu le Space Mountain de sa filmographie. De ce point de vue, Pacific Rim inspire la sympathie, qui éclipsera très certainement la frustration et la déception de certains. Mais son échec au box-office rend sceptique quant à l'éventualité de suites, ou de films du même genre. Dans ce cas, Pacific Rim serait le seul film hollywoodien de mecha, jusqu'à un très lointain nouvel ordre. Et là, forcément, ça irrite un peu plus.
ScaarAlexander
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le 19 juil. 2013

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