Il y a des projets cinématographiques face auxquels tu ne cesses de te répéter « Naaaan, ça va le faire », sans jamais en être vraiment convaincu. This is The End est un de ces films. Pourquoi ça allait « le faire » ? Parce que ça DEVAIT le faire. Pourquoi ça devait le faire ? Parce que regardez l'affiche ! Au rayon user-friendly, il y a Chuck Norris, Joss Whedon, Bernard Minet, Alison Brie, et puis ça. Hélas ! Tous les rêves ont une fin. Parce que quand on y pense, This is The End a un peu des allures de rêve partant en Chupa Chups. Un film de potes auquel on se croit invité, sauf que non. Cent-vingt minutes de malentendu.
Le principal problème de This is The End, on vous le donne en mille, c'est la paresse de son écriture. On a des stars (Franco, Rogen) et des célébrités (Baruchel, Hill, McBride), toutes très sympathiques et propres sur elles, un tas de caméos juste pour rire (Rihanna, Paul Rudd, Channing Tatum, John Legend), un plot prétexte aux plus gros délires possibles (la fin du monde, rien que ça), un budget confortable pour une comédie casanière (plus de trente millions de dollars)... et 90% du spectacle se résumera à un festival d'humour bas de plafond et pas original pour un dinar, composé 1) de blagues scatologiques rappelant combien le régressif est la pire voie de facilité (et tout y passe, de l'anus de Michael Cera aux tâches de foutre de Danny McBride), et 2) d'exagérations comme moteur comique horripilant (Hill joue au con avec un flingue, ça dure des heures ; le groupe joue au foot avec la tête d'un voisin, ça dure des heures). Pour vous donner une meilleure idée, et rester dans la même sphère de comédiens, on est plus proche du niveau de l'improbable four Your Highness (pas de Natalie Portman en string = 95% de téléchargements illégaux en moins) que du topissime Pineapple Express. Oui, vous paierez pour ça.
Sympathique ironie : This is The End traite l'apocalypse johannique et des dix commandements ; ça ne l'empêche pas de commettre un des sept péchés capitaux : la paresse (donc). Faire un film entre potes des hautes sphères hollywoodiennes et vouloir partager le résultat avec la plèbe moyennant sousous, fort certes ; mais les pouilleux savent encore distinguer le fruit d'un réel effort, excusez du peu. Ce que votre serviteur reprochait à la saga Danny Ocean de Soderbergh, son côté « récréation nombriliste de petits branleurs friqués », il le reprochera au centuple au présent film, qui compte un peu trop sur la sympathie du public pour ses têtes d'affiche.
Selon Seth Rogen, cinquante pour cent des dialogues de This is The End ont été improvisés. C'est quelque part une excellente nouvelle. Par exemple, cela explique la nullité de certains échanges, comme l'obsession pour la barre de Milky Way, plus drôle au-delà de quatre secondes : on a écrit plus haut la « paresse de son écriture », mais il fallait plutôt parler de « non-écriture ». Ensuite, cela signifie une chose essentielle : que le casting quatre étoiles du film n'aura pas été suffisamment brillant pour assurer le show sans un solide travail de dialogue préalable. Ce n'est pas le Saturday Night Live de la bonne période, même pas celui de la mauvaise. N'est pas Richard Pryor, Chevy Chase ou Will Ferrel qui veut. Dure réalité pour le spectateur de bonne volonté : tout sympathiques que soient Seth Rogen, Jay Baruchel, James Franco et Craig Robinson, Danny McBride est le seul véritable grand comique du lot, et Jonah Hill le seul vrai bon acteur (vous ne verrez jamais Rogen chez Aaron Sorkin). Rétrospectivement, cela fait regretter la furtivité de certaines participations, comme celle du grand Jason Segel : un tel acteur, autrement plus talentueux dans les répertoire comique ET dramatique, aurait éventuellement pu donner un peu de consistance aux scènes « dramatiques » du film (essentiellement la vieille amitié vacillante qui unit Baruchel à Rogen), comme il l'avait fait dans I Love you, Man. En l'état, les performances du transparent Jay Baruchel et du monolithique Seth Rogen neutralisent les effets « dramatiques » des deux, trois trucs que le film essayait vainement d'exprimer sur l'importance de grandir, l'importance du dialogue dans l'amitié, etc.
Pas suffisamment de travail pour pas suffisamment de talent : les limites de l'entreprise se sentent tout au long de cette comédie très, très poussive, d'aucuns diraient ce naufrage. On pense à la suite amateur de Pineapple Express tournée dans la baraque de Franco, qui parvient à être cent fois moins drôle que le faux film amateur des gamins du Super 8 de JJ Abrams. A l'implication des Backstreet Boys, ou à l'utilisation au second degré d'I Will Always Love You de Whitney Houston, cas typiques de délires censés être drôles tant ils sont énôôôrmes dans la tête des scénaristes, mais se révèlent à la fin plus pathétiques que drôles. Aux quelques parodies déjà vues cent fois ailleurs et en mieux, comme l'exorcisme de Hill. Le film n'est même pas fichu d'exploiter à son plein potentiel la présence de la chtite Hermione, pourtant très amusante en Emma Watson munie d'une hache (on ne sait même pas si elle finit au paradis ou en enfer !). Bien sûr, certains moments font rire, quelques scènes débiles séduisent (l'introduction très Eastbound & Down, le malentendu sur le viol)... mais l'absence de répliques mémorables est généralement le dernier clou au cercueil d'une comédie.
Maintenant, comment vais-je donc titrer cette critique, parbleu. Je veux dire, comment, sans faire de jeu de mot foireux avec le titre, du genre « C'est la fin des haricots ». Allez, on va faire simple et efficace, puisque sincère. Pas comme si la sincérité était une garantie d'efficacité, ceci dit. Regardez le film.