Vous en avez déjà marre des terrasses et de la reprise des discussions à la con qu’on y entend, surtout que les gens tiennent visiblement encore moins bien l’alcool qu’avant ? Eh bien « Playlist » est vraiment pas le film à aller voir, tellement on l’impression d’être dans une continuité intellectuelle avec les passionnantes préoccupations des peuplades des terrasses. Non plus sérieusement, les circonstances derrière mon entrée par défaut dans cette désormais maudite séance tiennent plus à ma sous-estimation du nombre de fous furieux prêts à se déplacer en salle pour du Ozu ou du Kiarostami à Paris, et au charme lo-fi de Sara Forestier qui a pesé dans la balance au moment d’acheter le billet.
Cette édifiante parenthèse autobiographique mise à part, la première chose qu’on peut dire de ce film c’est que le choix du noir et blanc y est parfaitement pertinent, vu que c’est du cinéma complètement délavé et incolore. Tout y est diminué, fatigué, éteint. Ça aurait pu être réalisé par une intelligence artificielle qui aurait régurgité du programme court Canal plus, du film « indie » américain et évidemment de la publicité chic, tellement aucun plan n’est original ni même surprenant, surtout pour y mettre des dialogues dont on voit immédiatement la lourdeur fonctionnelle ou alors se résument à des « vannes » balancés par les personnages qui tombent complètement à plat. Je ne m’arrêterais pas sur l’histoire et la « réflexion » derrière qui se hisse évidemment même pas au-dessus des banalités « lifestyle » qu’on trouve dans les réseaux sociaux ou dans je ne sais quel podcast, surtout parce que comme on peut l’imaginer il m’a pas fallu plus de 15 min pour complètement décrocher et réfléchir à autre chose pendant cette très longue heure 25 :
C’est finalement facile d’habiller une profonde immaturité névrotique par de la coolitude et de l’autodérision narcissique, car je ne vois pas en quoi le personnage n’aurait pas pu avoir 10 ans de moins et être en recherche de réaliser son Rêve (avec un grand R) et de l’Amour (avec un A encore plus grand). C’est pas avec quelques blagues de cul que ça se verra moins.
On entrevoit au détour de quelques scènes une volonté de railler une culture dite « élitiste » (France culture, un extrait de film très caricature d’art et essai) comme pour s’excuser d’être nul en disant « ouais mais au moins je ne suis pas élitiste ». C’est une attitude démagogique assez répandue d’ailleurs, consistant à faire passer pour une pulsion démocrate son incapacité d’apprécier autre chose que la médiocrité majoritaire. Bien essayé !
Au passage, bravo d’avoir complètement dénaturé la belle chanson de Daniel Johnston en lui donnant le contenu niaiseux qu’elle n’a pas. Entre parenthèses, la chanson est partiellement reprise par IDLES dans le morceau « Danke » de manière assez originale pour ceux que ça intéresse.
Du coup, résigné, je suis retourné en terrasse en attendant mieux. Avec la réouverture des salles, c'est pas avec cette pâle copie "rive droite" de Frances Ha que le cinéma va retrouver des couleurs.