Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Mes filles considèrent que j’aime "trop" Miyazaki.
C’est vrai.
Plongeant régulièrement dans son univers, je ressens le besoin de reprendre mes premières critiques, de les retravailler, de les affiner. Ne m’en voulez pas si, de temps en temps, je les "republie".


À sa sortie en France, Princesse Mononoké bouleversa quelques jeunes têtes : ce dessin animé n’était nullement destiné aux petits enfants ! Il est tour à tour complexe, violent et déroutant. Nul ne sort indemne de soixante années de manichéisme dysnéen !


Miyazaki nous plonge dans un japon médiéval, plus précisément l'ère Muromachi – qui court du XIV au XVIe siècle – une période trouble marquée par de profonds bouleversements politiques, sociaux et technologiques. Il livre un récit fantastique imprégné de shintoïsme, la religion traditionnelle nippone. Proche du chamanisme, le Shintô signifie "Voie des kamis". Représentés par des statues et vénérés dans des sanctuaires, les kamis sont les divinités tutélaires de toutes les choses. Ils sont les manifestations permanentes du sacré. Chaque kami possède un arami-tama, son esprit violent, que l’on apaisera par des rites et sacrifices. Miyazaki prend la liberté de leur donner forme animale. Ses loups, sangliers ou orang-outang géants parlent, actualisant le mythe. Sur ce point, sa vision rejoint celle du très chrétien Clive Staples Lewis, développée dans Le monde de Narnia.


Complexe, le scénario s’articule autour de quatre personnages humains et de trois kamis.
Les animaux sont conduits par Okkotonushi le sanglier, Mora la reine louve et Shishi Gami, le dieu-cerf. Ce dernier est l’esprit majeur de la forêt. Silencieux et majestueux, inaccessible et imprévisible, il donne vie et mort.


• La belle dame Eboshi fut une courtisane au service de l’Empereur qui, fortune faite, a conquis son indépendance. Elle a soigné et recueilli des lépreux, racheté des prostituées et des bouviers, puis fondé une forge. Pour défendre sa ville, elle crée des armes à feu qu’elle confie à ses filles, or la métallurgie exige des déboisements qui suscitent l’ire des animaux.
• Faux moine, mais vrai mercenaire, Jiko a promis à l’Empereur la tête du dieu-cerf, trophée qui devrait lui accorder l’immortalité. Sceptique et prudent, il compte faire porter le coup mortel par dame Eboshi.
• San (la princesse Mononoké) était une enfant abandonnée, qui fut élevée par les loups. Elle se veut animale et a juré de tuer dame Eboshi.
• Ashitaka est un jeune guerrier qui, pour sauver les siens, a été contraint de tuer Nago, un sanglier-kami. Maudit et condamné à mort, il a quitté son village pour rejoindre la forêt sacrée de Nago.


Ashitaka découvre qu’avant d’être emporté par la colère (tatari gami), Nago ava été blessé par balle. Contaminé à son tour, le garçon va apprendre à apprivoiser et contrôler cette haine qui ne demande qu’à l’embraser. Or, la haine est partout :
• Entre les hommes, le seigneur féodal lance ses samouraïs à la conquête de la mine.
• Entre les animaux, singes, loups et sangliers peinent à s’entendre.
• Enfin, plus grave encore, entre les hommes et la nature.


Un mot sur la forme. Les premiers spectateurs français découvrirent que la production japonaise ne se limitait pas aux plans, plus ou moins fixes, diffusés par Récré A2. Le dessin de Miyazaki égale celui des meilleurs Disney. Si une dizaine de minutes a été réalisée en DAO, l’essentiel a été tracé à la main, chaque celluloïd ayant été contrôlé par le maître. Le travail sur la nature, les forêts, sous-bois, rivières, fleurs, mousses et reflets est admirable.


Le fond demeure complexe. Le long métrage est fréquemment présenté comme une fable écologique, dénonçant le saccage de la nature par une humanité envahissante. Vision simpliste et fausse. Le point de vue de chacun des protagonistes est présenté sans à priori. Il n’est nullement question de bons animaux et de méchants humains, mais d’un monde instable. Le Shishi-gami est tué, sa colère sera apaisée, mais sa forêt sera définitivement détruite et les kamis appelés à s’effacer. L’harmonie initiale est perdue et la nouvelle sera, en leur absence, plus précaire encore.


Ashitaka est parvenu à dompter sa colère. Il a découvert l’amour et s’installe au village. Malgré l’encouragement de sa mère louve, San se refuse à quitter sa forêt. Ils resteront amis, mais ne vivront pas ensemble, au grand désarroi de ma fille.


Décembre 2017

Créée

le 6 janv. 2016

Critique lue 1.2K fois

55 j'aime

6 commentaires

Step de Boisse

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