Le 23 octobre 4004 avant J.-C... à 9 heures !

Sorti en 1960, Procès de singe est l'adaptation du fameux procès Scopes, qui eut lieu en juillet 1925 dans le Tennessee. Basée sur une pièce de théâtre de 1955, cette transcription cinématographique relate le jugement de Bertram Cates (John Scopes dans la vraie vie), un jeune professeur de l'école publique accusé d'avoir enseigné à ses élèves la théorie de l'évolution de Charles Darwin. À l'époque, si les idées du naturaliste anglais sont déjà largement répandues dans la culture occidentale (L'Origine des espèces a été publié en 1859), certains états de la Bible Belt américaine restent fortement traditionalistes, pour ne pas dire fondamentalistes, et s'opposent farouchement à l'application de cette théorie à l'homme et à sa vulgarisation. Le Butler Act, un texte de loi promulgué en mars 1925 dans le Tennessee, interdit ainsi aux fonctionnaires de l'enseignement de nier l'origine de l'homme telle qu'elle est décrite dans le livre de la Genèse. Accusé par le ministère public, Cates (Dick York, futur Darrin Stephens dans Ma sorcière bien-aimée) est emprisonné en attendant le procès.


Pour celui-ci, l'État du Tennessee est représenté par un ténor du barreau, ancien ministre et ancien candidat à l'élection présidentielle, Matthew Brady (William Jennings Bryan dans la vraie vie). La défense est quant à elle assurée par Henry Drummond (Clarence Darrow dans la vraie vie), une autre gloire des prétoires qui se trouve être ami de longue date avec son adversaire. Fervents croyants, les habitants de Hillsboro (Dayton dans la réalité) réservent un accueil triomphal à Brady, et pour le moins antipathique à Drummond, secondé par le cynique journaliste du Baltimore Sun E.K. Hornbeck (H. L. Mencken dans la vraie vie). Si le film ne manque pas de scènes en-dehors du tribunal, qui permettent aussi bien d'affiner les relations entre les personnages que de faire monter la tension, l'essentiel des 2 h 08 de pellicule se déroule dans le tribunal, où les brillants Spencer Tracy et Fredric March se livrent une joute verbale d'anthologie ponctuée par les piques désabusées d'un Gene Kelly un peu cabot.


En bataillant oralement autour de la théorie de l'évolution - relativement peu détaillée, faut-il le dire - ce fabuleux trio d'acteurs donne au film une dimension universelle, portant le débat sur les libertés de pensée et d'expression. Le credo très voltairien de l'un s'oppose à l'acceptation inconditionnelle de la parole divine de l'autre, ce qui donne lieu de part et d'autre à de grisantes envolées lyriques et à des assertions assez drôles (la date de la Création serait le 23 octobre 4004 avant J.-C... à 9 heures !). Et si la défense parvient, malgré le manque de coopération évident du président du tribunal, à ridiculiser l'accusation, le verdict s'avère, étonnamment, défavorable au jeune enseignant, bien que symbolique (100 dollars d'amende seulement). Dans la réalité, le procès Scopes avait été voulu par les libéraux de l'American Civil Liberties Union, avec l'accord de Scopes, afin de casser la loi. Si l'on considère que la victoire morale leur est revenue, l'annulation du jugement par la Cour suprême de Nashville, deux ans plus tard, rendit cependant l'appel impossible, et le Butler Act ne fut abrogé qu'en 1967...


Passionnant et excellent film du grand Stanley Kramer, Inherit the Wind reste d'une actualité évidente plus de 50 ans après sa réalisation, et près d'un siècle après les événements relatés. En cette époque où le créationnisme fait un retour en force dans l'opinion publique, drapé dans une trompeuse respectabilité pseudo-scientifique dénommée « dessein intelligent », son visionnage ou re-visionnage s'impose.

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le 18 janv. 2018

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The Maz

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