Reservoir Dogs, c'est une marche, un marche-pied, une invitation, une porte qui s'ouvre sur un univers singulier, unique en son genre, féroce et exubérant, noir et rouge sang.
Reservoir Dogs, c'est quand le jour d'après n'a plus rien à voir avec le jour d'avant.
Reservoir Dogs, c'est rencontrer Dieu.
Accepter sa grandeur, s'étancher à sa Miséricorde, c'est assister au miracle de la création, alors que rien ne prédestinait ce souffle à grossir dans un désert.
C'est croire au mirage ou simuler l'indifférence, une sorte de mépris.
C'est être le fils dans une fratrie vouée à grossir, se développer, et être à jamais le premier, l'aîné, le modèle, peut-être le préféré.
Reservoir Dogs, c'est pointer dans le ciel un ballon de baudruche orange qui s'envole, comme un intrus dans l'azur, et te laisser avec ça.
Reservoir Dogs, c'est découvrir, incrédule, que le monde continue, loin derrière la clôture du jardin alors que, claudiquant dans ton trotteur, poupon malhabile mais aventurier, presque téméraire, la couche fétide lestée au derche, tu as soif, déjà, de voir du pays et d'attendre que la surveillance parentale se relâche pour arpenter les chemins jovials de cette vie trépidante qui s'annonce.
Reservoir Dogs, c'est palper l'indicible du bout du doigt, en caresser les contours fantasmés de la pulpe et, comme par magie, le rendre tangible.
Reservoir Dogs, c'est fermer ses mirettes, compter jusqu'à dix, et les rouvrir pour s'abreuver au monde, merveilleux soudain, comme s'il se découvrait à tes yeux de miel pour la première fois.
Reservoir Dogs, c'est l'arc-en-ciel en costume, c'est fumer des clopes qui crépitent. Comme si t'étais dans le cylindre de tabac, mélangé aux fibres brunes et blondes, entrelacs propulsés en volutes mortifères qui tissent le patron de ce qui est et ne sera plus.
Reservoir Dogs, c'est sec, tendu, allégé du gras artificiel qui pollue souvent les œuvres séminales.
C'est embrasser à bouche que veux-tu et avoir sur les lèvres, sur le bout de la langue, ce goût qui fait les liens, les élastiques.
Reservoir Dogs, c'est jongler avec son amour du cinéma, explosion viscérale passionnée, et une tornade d'énergumènes, patibulaires, et chambouler l'équilibre.
Reservoir Dogs, c'est s'agacer devant ce type au menton qui pousse et qui jacte tout le temps, saoulant l'assistance de son faramineux débit mitraillette. Reservoir Dogs, c'est poser son ombre sur les années 90.
Reservoir Dogs, c'est cette pulsation à ta tempe qui tambourine man, et te fait sentir vivant.
Reservoir Dogs, c'est devoir se faire Brando, répéter inlassablement les mêmes phrases, les mêmes mots, au cordeau, pour faire la nique à Keitel et sa clique.
Reservoir Dogs, c'est entendre le tic tac qui tique, et être toujours là, à faire des nœuds avec tes doigts.
Reservoir Dogs c'est contempler Michel-Ange sous la Sixtine, sur son échafaudage, le pinceau à la main et lui dire «Dis donc mec, c'est super beau ce que tu es en train peindre !»
Reservoir Dogs, c'est apostropher Orson Welles et lui dire : «Dis, ma grosse, tu le vois, mon premier film à moi ?» et le laisser à ce silence de mort, hésitant entre l'admiration, la fierté d'avoir trouvé un fils de cinéma et la tristesse de ne pouvoir le prendre dans ses bras pour lui donner l'accolade.