(1973. FR. : Rue de la violence OU Polices parallèles. ITA. : Milano trema : la polizio vuole giustizia (Milan tremble : la police veut la justice)
Vu en VOST, DVD éditions Néo-Publishing. Grazie à Lzurz Lhmi pour le prêt !)
Milan, années 1970. Après une évasion sanglante où des policiers ainsi qu’un père et sa fille sont abattus, le commissaire Caneparo (Luc Merenda) exécute de sang-froid les criminels alors qu’ils étaient sur le point de se rendre. Dans la foulée, il est suspendu et son supérieur, qui enquêtait sur des braquages, est abattu en pleine rue… Déterminé à venger son collègue, Caneparo infiltre une bande de braqueurs dont la motivation ne semble pas être seulement l’appât du gain…
Après avoir démarré sa carrière en 1970 avec le western Arizona se déchaîne, Sergio Martino se dirigera ensuite avec succès vers le giallo réalisant d’ailleurs quelques emblèmes du genre comme la trilogie du vice : L’étrange vice de Mme Wardh, Toutes les couleurs du vice et Ton vice est une chambre close…. On oublie souvent que cet artisan infatigable du Bis italien essaima aussi dans le néo-polar, avec plus ou moins de réussite. Ce Milano trema est son premier essai, avant L’accusé qui lorgne vers la même thématique et Mort suspecte d’une mineure, à la frontière du giallo, tous deux sortis en 1975.
Bien qu’il ne soit pas considéré comme un spécialiste du poliziottesco, Martino a su imprimer sa patte dans le genre en y insérant divers éléments redondants propre aux Années de plomb italiennes : tentatives et tentation du coup d’Etat, présence de services secrets, assassinats de hauts-personnages… Clairement, avec ce Rue de la violence et L’accusé, le réalisateur lorgne vers le polar alarmiste à tendance politique tout en ne négligeant pas l’action. Le tout mené par un inspecteur, mué en chevalier blanc incorruptible tendance « vigilante » (il suffit de voir le titre italien...). Martino, comme nombre de ses collègues d’alors, aura donc droit aux accusations de la presse le taxant de fascisme…alors que ces deux films traitent justement d’un inspecteur déjouant un complot fasciste !?!
Bien qu’il ne fasse pas partie des meilleurs poliziottesci, ce film s’avère de très bonne facture. L’ambiance alarmiste du film, le personnage de flic antipathique et un certain discours politique de fond pourront être considérés comme des points faibles. Mais les scènes de course-poursuite, dont une parfaitement réussie quand Merenda dépose ses « collègues » braqueurs au commissariat, et un superbe prologue, gênant et malaisant, avec une évasion des plus sanglantes donnent de la chair à un film qui a parfois tendance à se disperser dans différentes directions pas toujours utiles (quand Merenda joue au maquereau, plusieurs passages avec Conte…) au récit.
Opération Peur
Pour revenir à la première scène, les italiens n’y allaient pas avec le dos de la cuillère et n’hésitaient pas à montrer l’innommable avec ici la mort d’une fillette. Plus tard, un braqueur n’hésitera pas à tirer sur une femme enceinte par plaisir et pour faire peur, le but de cette organisation étant de créer un climat de guerre civile pour amener un pouvoir fort à la tête de l’Etat, la fameuse « stratégie de la tension » particulièrement prégnante dans l’Italie des 70’s… A noter que ces scènes sont légion dans le genre, ce qui assurément ne joua pas en la faveur de films taxés de jouer opportunément avec l’actualité. Fermons cette parenthèse en rappelant la mort du commissaire Calabresi en 1972, qui est ici plus qu’évoquée avec l’assassinat du supérieur de Merenda. Il s’agit d’une des nombreuses représentations de la mort de ce commissaire dans le genre avec par exemple L’accusé, Le témoin à abattre et bien sûr La polizia ringrazia, dont Martino avoue s’être inspiré.
Le français Luc Merenda entame alors sa carrière italienne avec succès. Certes on est loin des personnages iconiques qu’ont pu tenir des Nero, Testi ou Merli, mais il est très à l’aise dans ce rôle sérieux, un peu trop peut-être. Les seconds couteaux sont très bons comme Antonio Casale (Mais qu’avez-vous fait à Solange ?), Luciano Rossi (5 pour l’enfer, Saludos Hombre) ou Bruno Corazzari qui jouent de sacrées pourritures. L’américain Richard Conte (Le parrain, Il Boss, Sentence de mort) vient cachetonner avec décontraction et classe. La française Martine Brochard (Baisers volés), Silviano Tranquili (Le témoin à abattre, L’homme aux nerfs d’acier), Carlo Alighero (fidèle de Martino décédé il y a quelques semaines…) ou encore Chris Avram (La baie sanglante) complètent le casting.
Habitués des B.O. de polars italiens, les frères De Angelis n’oublient de composer une excellente musique alternant un thème des plus mélancoliques (Blue song) à d’autres plus percutants comme lors des braquages et course-poursuites. Ils pousseront également la chansonnette pour la sympathique chanson And life goes on.
Porté par un casting de qualité, soutenu par une réalisation sobre et efficace ainsi qu’une musique entêtante, ce Rue de la violence mérite bien mieux que l’oubli dans lequel il végète et prouve que Martino savait à peu près tout faire dans le domaine du Bis italien. Malgré quelques faiblesses et baisses de rythme, ce film est à ne pas louper pour les amateurs du genre.
La B.O. : https://www.youtube.com/watch?v=8BuSco73a0k
Critiques d'autres films de Martino : ** L'étrange vice de Mme Wardh**, Torso, L'accusé