Ce documentaire, diffusé par Netflix, explique comment l'homme exploite les ressources des océans et quelles sont les conséquences dramatiques pour la planète.
Plutôt que de rédiger une critique, ce qui ne me paraît pas très opportun au regard de l'importance et de l'urgence du message délivré par le film, je préfère citer quelques informations qui mettent en lumière la catastrophe écologique qui se joue actuellement sous la surface des eaux. Il est à noter que certains éléments de l'enquête réalisée par Ali Tabrizi ont été contestés (je le signale quand c'est le cas) sans que cela ne remette en cause le propos fondamental de son film.
Les informations listées ci-après sont toutes tirées du reportage, sauf indication contraire. Elles ne respectent pas nécessairement l'ordre dans lequel elles apparaissent dans l'enquête et n'ont pas un caractère d'exhaustivité.
Sur les dauphins :
- Les dauphins et les cétacés, en remontant respirer à la surface, contribuent au développement du phytoplancton, responsable de 85% de la production d'oxygène dans le monde. L'explication détaillée de ce phénomène est expliquée dans le film.
- Au Japon, dans la ville de Taiji, les pêcheurs encerclent avec leurs bateaux des bancs de dauphins et les conduisent dans une baie où la plupart d'entre eux sont tués. Certains jeunes cétacés sont préservés pour être vendus à des parcs aquatiques. Ces transactions ne constitue pas pour autant le motif principal du massacre de 700 dauphins par an, pas plus que la pêche d'ailleurs. En réalité, les dauphins sont accusés par les pêcheurs japonais de manger trop de poisson et donc de nuire à leur pêche. Il s'agit donc de limiter voire d'éliminer la concurrence.
- Sur les côtes françaises, c'est 10 000 dauphins qui meurent chaque année, pris "accidentellement" dans les filets des pêcheurs. Dans le monde, Sea Shepherd (une ONG qui lutte contre la pêche illégale) affirme que 300 000 dauphins succombent annuellement dans les mêmes conditions. Plus généralement, 40% des espèces capturées ne sont pas ciblées et sont donc rejetées à la mer, le plus souvent mortes.
- Le label Dolphin Safe , géré par l'ONG Earth Island Institute, est supposé garantir qu'un thon ou qu'un poisson commercialisé n'a pas été la cause de la mort d'un dauphin. Interrogé à ce sujet, un responsable révèle que très peu d'observateurs sont mandatés par leur soin pour vérifier que les dauphins sont épargnés lors des actions de pêche et que par surcroît les rares contrôleurs présents peuvent être soudoyés. La conclusion est que le label Dolphin Safe ne propose aucune garantie sur l'innocuité des poissons commercialisés au regard de la survie des dauphins.
Sur les requins :
- Les requins, situés en haut de la chaîne alimentaire, sont garants de la régulation des espèces dans l'océan.
- Cinquante millions de requins sont tués chaque année, parfois pour leur aileron (consommé dans des soupes dans une partie de l'Asie) mais le plus souvent pris accidentellement dans les filets géants des pêcheurs. Conséquence de cette pêche dite accessoire : la population des requins marteaux, bouledogues et renard a chuté de 80 à 98%. Ces chiffres peuvent être mis en rapport avec le nombre de décès annuel d'êtres humains imputables aux requins, qui s'élève à dix (note personnelle : soit 2 500 fois moins que les chiens, 50 000 fois moins que les meurtres perpétrés entre êtres humains et 100 000 fois moins que les moustiques).
Sur le plastique :
- De nombreux animaux marins échoués sur les plages sont retrouvés avec des plastiques dans leur système digestif ou empêtrés dans les mailles d'un filet.
- 46% des déchets plastiques proviennent de la pêche industrielle ( note personnelle : ce chiffre, remis en cause par plusieurs ONG, pourrait concerner uniquement l'immense vortex de plastique qui flotte au coeur de l'océan pacifique, parfois appelé le huitième continent. Si l'on considère que tout km carré contenant plus d'un kg de plastique fait partie du vortex, sa taille serait alors de 1,6 million de km carré soit trois fois la superficie de la France. Au niveau planétaire, la proportion de plastique émanant de la pêche industrielle s'établirait entre 10 et 30%.)
- Le réalisateur interroge une employée de Plastic Pollution Coalition, une ONG qui lutte contre la pollution plastique des océans. Après lui avoir annoncé la proportion de plastique dans les océans imputable à la pêche, Ali Tabrizi lui demande quelle pourrait être la solution. L'employée répond spontanément qu'il faudrait arrêter la pêche et cesser de manger du poisson. Elle ajoute qu'elle ne sait pas pourquoi ces recommandations ne figure pas sur le site de l'ONG. Sollicitée, Dianna Cohen, responsable du site et fondatrice de Plastique Pollution Coalition, affirme qu'il est impossible que sa collaboratrice ait suggéré de stopper la pêche. Elle demande à la caméra d'arrêter de tourner et finit par éconduire purement et simplement son interlocuteur. Interloqué, Ali Tabrizi décide de "suivre l'argent" et découvre que Plastic Pollution Coalition appartient, comme Dolphin Safe (le label controversé soupçonné de protéger la pêche industrielle) à Earth Island Institute.
Autres enseignements :
- Les conséquences désastreuses de la pêche industrielle ne s'arrêtent pas à une ponction inconsidérée et sans tri de quantités toujours plus grande de poissons. Les filets, lourdement lestés et d'une taille qui leur permettrait de happer une cathédrale, raclent le fond des océans avec les conséquences que l'on peut imaginer sur les habitats naturels.
- Le poison d'élevage ne constitue pas une alternative viable. Pour nourrir les poissons captifs, il faut pêcher, en grande quantité, du poisson sauvage. Par ailleurs les fermes de poissons polluent les océans par la concentration de matières organiques. Enfin, les poissons d'élevage souffrent d'anémie, d'infestations diverses (notamment le pou de mer qui dévore les poissons vivants) voire de maladies cardiaques si bien que 50% de l'effectif meure ou dépérit sans être commercialisé.
En conclusion :
- Si le plastique est une calamité pour l'océan, il reste une cause minoritaire dans la baisse dramatique des réserves halieutiques mondiales. Le principal responsable en est la pêche commerciale.
- Aucun label ne protège efficacement les dauphins où d'autres espèces non ciblées (les tortues marines par exemple qui sont pour la plupart gravement menacées.)
- Au rythme des prélèvements actuels, il n'y aura plus assez de poissons dans les océans à l'horizon 2048 pour assurer la pêche (échéance contestée et remise en cause par l'auteur de la courbe lui-même).
Seaspiracy est un constat accablant pour les pêcheries même si on peut reprocher au film d'être réalisé à charge et de multiplier (comme ce commentaire d'ailleurs) les chiffres avec parfois un certain manque de rigueur. Je retiens quant à moi l'impératif de changer les choses et je cesse donc de manger du poisson.