Il y a des jours où on se demande vraiment comment la Terre tourne.
Après la déception énorme qu'avait été The Dark Knight Rises quelques mois plus tôt, je ne comptais plus sur grand-chose pour rattraper mon année. Pourtant, ce nouvel opus d'une autre franchise que je suivais avec assiduité était bien là, encensé à l'unanimité par la critique et les spectateurs. James Bond meilleur que Batman ? Cela méritait évidemment vérification. En route pour une salle IMAX et un siège confortable avec popcorns.
2h23 plus tard (qui m'ont parues bien plus longues), je sors de la salle, abasourdi. Mon voisin de siège, plus lucide, se tourne vers moi et reprend les mots prononcés par Ralph Fiennes à un moment du film:
It's time to retire !
Skyfall a avant tout (et surtout) été loué pour sa réalisation exceptionnelle. Certes, je dois le reconnaître, la photo est très soignée et les cadrages sont impeccables. Certains plans mériteraient même qu'on les note au cas par cas, comme l'arrivée de Bond à Macao ou encore l'entrée en scène de Raoul Silva. Par ailleurs, la scène la plus réussie du film demeure pour moi celle... du générique. Réunissant à la fois de belles images de synthèse ainsi qu'une chanson plutôt agréable à l'écoute, celui-ci fait mouche et renoue avec le charme propre à la saga, casant même ça et là des petits clins d’œil à Live and Let Die ou The Man with the Golden Gun...
Ceci étant dit, après l'emballage il faut se pencher sur le contenu. Et là, je sèche à essayer de comprendre ce qui est passé par la tête de Sam Mendes et de ses quatre — oui, quatre !!!! — scénaristes, ainsi que de toutes celles et ceux qui ont mis quatre — oui, quatre !!!! — étoiles sur cinq à ce film.
Pour commencer, l'histoire ne possède aucune continuité avec les précédents opus de l'ère Daniel Craig. Vous vous rappelez la fameuse organisation Quantum dont faisait partie le Chiffre et que Bond s'était juré de démanteler à la fin du film du même nom ? Non ? Bah c'est pas grave, elle passe à la trappe dans celui-là, pour laisser place à...
L'enfance de Bond.
...
Wait, WHAT?!?!?!?!?!
Vous avez bien lu. Pour la première fois en 50 ans, on se penche sur le passé tragique de notre cher agent 007. Sauf que celui-ci n'a rien d'original. Orphelin depuis sa plus tendre enfance, élevé dans une bâtisse gigantesque perdue en pleine cambrousse, avec un vieux majordome paternaliste et fidèle au poste... ça ne vous rappelle rien ? Quand je vous parlais de Batman tout à l'heure...
Si encore cette "anecdote" scénaristique avait été un tant soit peu développée afin que l'on s'y prenne d'intérêt, mais non. On apprend ce qu'est Skyfall dans les dernières minutes du film, après avoir vu James se faire blesser par balle au moins 1000 fois, échapper aux mâchoires d'un gros lézard numérique, sauter toutes les jolies nanas du films (c'est là leur seule utilité), manquer de se faire sauter par le méchant (si, si) et engager une visite-guidée du métro londonien avec ce dernier déguisé en Village People.
ET ENCORE, les moments dont je vous parle là sont les moins déconcertants du film. Parce que les autres, mon Dieu... entre la phase de réinsertion où Bond se fait rabaisser par ses supérieurs car il est vieux, alcoolique et ne sait plus viser (bien que 6 ans seulement se soient écoulés depuis Casino Royale qui constituait, rappelons-le, sa toute première mission), celle où il rencontre Q (où ont-ils été chercher ce guignol à lunettes ?!?), celle où il ressort sa très vieille Aston Martin (à ce stade plus rien n'a de sens) ou encore cette mascarade pseudo-œdipienne entre lui, le vilain et M, y'a de quoi s'en mettre partout. Et je ne vous parle même pas de l'affrontement final dans le manoir, à mi-chemin entre Apocalypse Now et Maman j'ai raté l'Avion...
Et puis qu'est-ce que c'est CHIANT ! Qu'est-ce que c'est long ! Il ne se passe rien, dans ce film ! Alors que c'est un James Bond, certainement LA franchise qui te propose avec courtoisie de débrancher ton cerveau pendant au moins 2h pour suivre des aventures rocambolesques, invraisemblables, futuristes s'il le faut mais néanmoins palpitantes, merde !!! Où sont passés l'action haletante, l'exotisme dépaysant, l'adrénaline dans les combats, les moments de suspens, les punchlines jouissives, l'alchimie entre Bond et ses partenaires féminines (et non juste une belle nana en robe de soirée qu'il fallait mettre là parce que le scénario l'exigeait), bref, l'ambiance si caractéristique à 007 ?
Des clous ! J'ai passé les 3/4 du film à attendre que ça commence enfin, dans le dernier j'étais tel Géronte dans Scapin à me demander ce que diable j'étais venu faire dans cette galère. 2h23 de scénario alambiqué et de délires pseudo-œdipien / shakespearien (ah oui, j'ai oublié de citer le discours de M au Parlement dont on se demande bien l'utilité au milieu de tout ce bordel) pour au final aboutir sur un film qui ne raconte rien, n'a aucun rebondissement et mise tout sur sa plastique pour combler cette double fumisterie. 4 étoiles sur 5, are you kidding me ?!?!?
Il y avait pourtant de quoi faire un bon film quand on y pense : réal oscarisé (peut-être au-dessus de son réel talent, en fin de compte), Javier Bardem dans le sacro-saint rôle du méchant (personnage déconcertant mais jeu d'acteur irréprochable), personnages secondaires joués par des acteurs talentueux (Judi Dench, Ralph Fiennes, Naomie Harris...), thématique autour de la résurrection (en réalité gros coup de marketing révélé lors du générique de fin)...
Skyfall est en réalité une tentative éhontée de transformer la saga de l'homme en smoking en film à Oscars bobo, chiant, vide et contemplatif.
Plus jamais ça.