On se prend, parfois à lever la tête au ciel, pour scruter les étoiles. Ces milliards de petites lumières qui criblent le sombre ciel nocturne, qui nous paraissent si lointaines et donnent un côté magique à la nuit. On ne sait pas vraiment à quelle distance sont ces étoiles, ni si on aura un jour l’occasion de s’en approcher. En les regardant, on a comme la sensation de se détacher de notre Terre, peut-être en quête d’évasion ou de réponses à nos questions. Peut-être sont-elles d’ailleurs là-haut, ces réponses ? Impossible d’en être certain. En tout cas, c’est sur ce chemin que s’aventure Starman.
John Carpenter est certes un cinéaste très indépendant et éloigné des rouages de la grosse machinerie hollywoodienne. Cependant, sa carrière ne lui a pas non plus permis de rester un électron totalement libre. Pour avancer, il devait garder une certaine proximité avec les grands studios pour trouver du public, remplir les caisses, et avoir de la réserve pour continuer à se livrer à des projets plus personnels. Après de sévères échecs comme, entre autres, The Thing, le cinéaste dévie de son chemin traditionnel pour réaliser Starman, un film de commande. Un film de commande, certes, mais qui ne perd pas de son charme ni de sa pertinence pour autant. Cousin d’E.T. l’extra-terrestre, réalisé par Steven Spielberg et sorti en 1982, Starman évoque l’arrivée d’un être mystérieux et venu de l’espace, pour sonder la nature humaine.
On a toujours tendance à considérer qu’il y a deux types de films avec des extra-terrestres : ceux où ils viennent nous envahir, et ceux où ils sont pourchassés par l’intolérance des humains. Si l’on reste dans ce schéma très basique, Starman fait, sans aucun doute, partie de la seconde catégorie. Le contexte de l’intrigue est d’ailleurs parfait pour Carpenter. En effet, le film s’ouvre sur le lancement dans l’espace de la sonde Voyager, destinée à tenter d’établir une communication avec d’autres espèces et de leur présenter l’humanité à travers des images, des formules scientifiques, ou de la musique. Or, l’intrigue va tourner autour de la peur de cet extra-terrestre, de sa différence manifeste, et de sa prétendue incompatibilité avec l’espèce humaine. Avec Starman, John Carpenter vient illustrer l’ironie de l’espèce humaine qui cherche à approfondir sa connaissance de l’univers tout en nourrissant sa peur, voire sa haine de l’étranger.
C’est, une nouvelle fois, dans son imperfection que l’humanité est ici montrée, comme dans la grande majorité des films de Carpenter. Mais, ici, contrairement à d’habitude, le ton est plus positif, ce qui est notamment dû au fait que c’est un film de commande, mais ce qui n’enlève rien à son charme ni à sa pertinence. Car là où cette imperfection est souvent destructrice chez Carpenter, ce qui est le cas en partie ici, elle est aussi ce qui fait la beauté de l’espèce humaine. En invoquant le deuil de Jenny, ravivé par l’extra-terrestre qui prend la forme de son défunt mari, l’humain est montré par le prisme de ses émotions, à travers notamment la peur, la tristesse, l’amour et la compassion. Cela permet donc de balayer une large palette d’émotions qui façonnent l’humain, le rendant fragile et imparfait, mais ce qui est inhérent à sa condition. On le remarque aussi avec le questionnement perpétuel du chercheur missionné sur l’enquête, tiraillé entre les autorités et ses propres convictions humanistes. C’est à travers le regard innocent et ingénu de l’extra-terrestre que se manifeste la beauté de l’humain mais aussi ce qui le rend abject.
De par son aspect grand public, et de part le fait qu’il ait été conçu comme tel, Starman s’avère bien plus positif dans son approche des choses que les précédents films de Carpenter, souvent incompris et boudés car, justement, trop négatifs. Plus de scènes de jour, une morale humaniste plus présente, Starman éclaire de sa bienveillance plus qu’il ne tourmente par son obscurité, comme pouvaient le faire The Thing et Christine. Pour autant, John Carpenter ne nous propose pas une romance à l’eau de rose servie par une réalisation à la guimauve. Le cinéaste reste fidèle à son minimalisme et à son efficacité habituels, ce qui permet, comme toujours avec lui, de laisser plus d’espace au scénario pour s’exprimer et révéler ses atouts. Empreint de mélancolie, de poésie et de beauté, Starman est une invitation à reconsidérer notre place dans l’Univers, à faire preuve d’humilité, à respecter ce qui est différent de nous, autant que ce qui nous définit en tant qu’êtres humains.