Show must go home
Le grand bouleversement qui a terrassé l'industrie du divertissement, au cours de ces 30 dernières années, tient en deux points. La fin d'une certaine possibilité d'émerveillement serait presque...
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le 3 août 2016
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Coïncidence ou non, les deux rivaux que sont Marvel et DC auront chacun tenté l’aventure antihéroïque l’an passé : le premier avec l’irrévérencieux Deadpool, succès probant de son état, le second avec Suicide Squad, ou l’antithèse de la future Justice League.
« Cool » pouvait-on de prime abord penser, ce dernier rebondissant sur les récents évènements de Batman V Superman tout en adoptant une posture, que l’on espérait, atypique : mais de la promesse aux vœux dûment exaucés, il y a un monde n’est-ce pas ? Tel un mirage davantage exagérément appuyé que savamment orchestré, la promotion autour de ce regroupement de super-vilains de tout horizon illustre fort bien la (relative, personnellement j’étais dubitatif) désillusion qu’incarne cet ersatz de contenu politiquement incorrect.
Bien entendu, il serait tentant de dresser un parallèle (au désavantage de) Suicide Squad vis-à-vis de Deadpool, qui malgré de flagrantes imperfections aura eu pour mérite de ne pas faire dans la demi-mesure : mais ne cédons pas à la facilité, l’opus de DC se suffisant à lui-même pour ce qui est d’en dresser un navrant tableau. Qualifier sa promotion de poudre aux yeux tombe ainsi doublement sous le sens dans la mesure où celle-ci annonçait en grande pompe une intrigue débridée, portée par une galerie déjantée évoluant dans un univers formellement décalé (les teasers sur fond de Bohemian Rhapsody n’y sont pas indifférents)… alors qu’au bout du compte, rien de tel !
Si l’on devait résumer le fiasco qu’est Suicide Squad en quelques mots, « prise de risques minimale » me vient inlassablement à l’esprit : entendons par là que, certes le long-métrage sort des sentiers battus dans son essence même, mais qu’en creusant un peu ce vernis acide il n’en ressort pas grand-chose. Le scénario est ainsi tout ce qu’il y a de plus convenu, tant en termes de narration (les personnages font l’aller-retour entre les points A et B, l’expression « retour à la case départ » étant toute indiquée ici) que de développements d’intrigue : sur ce point, le portrait succinct des différents membres de l’unité en dit long, et l’on ne peut que se désoler de l’importance (grandement) variable accordée à ces derniers, à même de nourrir un déséquilibre des plus totaux (Deadshot, Harley Quinn et les « autres »).
On en viendrait d’ailleurs presque à se demander s’il ne s’agit pas, en réalité, d’un film à l’effigie du rôle de Will Smith, celui-ci étant en l’espèce omniprésent à l’écran au point d’exposer à n’en plus finir le caractère finalement conformiste du tireur d’élite. Unique semblant de contrepoids, la comparse délurée du Joker bénéficie de l’interprétation adéquate d’une Margot Robbie fort inspirée, mais là encore le bât trouve le moyen de blesser : Suicide Squad abuse en ce sens de la plastique « irréprochable » de son interprète et, plus grave encore, se foire dans les grandes largeurs concernant l’adversaire phare du Chevalier Noir.
Eh oui, la déception n’est aucunement feinte au regard de l’apport désuet du Joker, qui malgré l’investissement sans limite (et louable) de Jared Leto constitue un cheveu sur la soupe fort désappointant : de ce fait, il ne va pas sans dire que la composition en soi réussie de ce dernier se retrouve gravement handicapée par le rendu final du film, et l’on serait tenté de pointer du doigt un montage cinéma pour le moins catastrophique.
Pour le reste, bien peu à se mettre sous la dent : Suicide Squad tente désespérément de conforter l’utilité de ses figures secondaires au moyen d’instants de gloire transparents (quand il ne s’agit pas de rôles-fonction RIDICULES, comme l’autre escaladeur de façade dont on oublie rapidement le nom), à l’image notable d’un El Diablo se fendant d’un Deus Ex Machina inopiné : ce dernier est d’autant plus déconcertant qu’il illustre la présence de (rares) coups d’éclat visuels ravivant (un peu) notre intérêt pour le long-métrage, celui-ci étant de ce fait formellement banal à l’excès au point d’aseptiser sous toutes ses coutures son potentiel borderline.
Bref, et vous l’aurez deviné : Suicide Squad arbore une ambiance dramatiquement plate, celui-ci s’essayant sans succès à diverses variations de ton (on pense notamment à l’humour sans saveur, ou dans un registre opposé à son absence d’éléments dramatiquement convaincants), et l’on s’épargnera l’énumération des nombreux autres écueils venant confirmant l’échec qu’il incarne. Si ce long-métrage de David Ayer demeure en tant que tel un divertissement se laissant voir, qu’il est difficile de s’en satisfaire ! Sans compter une 3D ne redorant en rien son blason, Suicide Squad laisse donc un goût amer en bouche, quand bien même vous n’en attendriez pas grand-chose (ce qui est finalement symptomatique de son statut d’essai raté)
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Créée
le 12 févr. 2017
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