L'idée même de donner suite au The Crow d'Alex Proyas n'avait aucun sens du temps où Vincent Perez était annoncé comme le successeur officiel de feu Brandon Lee. Doutez-vous bien que l'annonce d'un troisième acteur chargé de donner vie aux traits noirs et blancs de la vengeance n'a pas arrangé grand monde à l'époque où The Crow 3 : Salvation était déjà considéré comme un projet mort né.
Confier le rôle principal à l'antithèse même du charisme, Eric Mabius (le héros du premier Resident Evil), était la meilleure des idées possibles; l'accompagner d'une Kirsten Dunst en quête de repères incarnait la condition parfaite pour la réussite totale du projet. Confier leur direction à l'inconnu Bharat Nalluri (dont le seul projet "sérieux" était le non moins mauvais MI-5 Infiltration avec Kit Harrington) correspondait au choix de production le plus pertinent à envisager.
Forcément qu'avec de tels ingrédients, The Crow 3 ne pouvait être que mauvais; mais après tout, peut-on y trouver quelques détails intéressants, des fulgurances de bonnes idées apportées à un univers en perdition? Alors que le film précédent plongeait les pattes dans la crasse la plus totale, agrémentant la ville d'une ambiance poisseuse bienvenue (encore que le visuel gâchait tout le travail d'atmosphère), celui-ci ne cherche plus à innover dans le registre et repose le cadre dans une société contemporaine actuelle typique à la notre, sans écart de perversion ou e serait-ce qu'un poil de jeux de lumière gothiques.
Visuellement, c'est tout aussi ambitieux qu'un épisode des Experts : Manhattan, le clown mal maquillé en plus. Parce qu'Eric Mabius se ridiculise tout le long, le spectateur aura plus l'impression de découvrir un documentaire animalier sur des singes trisomiques que de suivre l'histoire de rédemption d'une âme torturée en simple quête de vengeance.
Jamais vraiment crédible, il se donne à fond dans le rôle comme si sa carrière en dépendait (nul doute que c'était le cas, vu la réputation qu'il se coltine depuis), mais le fait sans talent ni charisme. C'est avec honte qu'on le regarde se dépatouiller dans un rôle à l'évidence taillé pour quelqu'un d'autre, à tenter de s'extirper de tout l'excréta purulent qui émane d'un manque de talent constant.
Dunst est aussi venue s'y perdre; elle qui avait si bien commencé sa carrière (Le Bûcher des Vanités, Small Soldiers, le magnifique Entretien avec un vampire), c'est qu'on la trouve ici entre deux tournants de sa filmographie; alors qu'elle venait de boucler le grand Virgin Suicides et qu'elle s'apprêtait à faire saliver toute une génération de geeks en éruption grâce au génial Spider-Man de Sam Raimi, la pauvre rouquine s'est retrouvée blonde et conne, insupportable cliché sur patte que l'on voudrait bousculer un peu pour qu'elle comprenne les ficelles du scénario.
C'est au moment où l'on hait son personnage en adorant l'actrice qu'on commence à bénir Raimi de lui avoir offert une véritable carrière après le drame de cet égarement (qui s'ensuivra de quelques films de peu de qualité avant de trouver la popularité d'MJ). Sans expressions autres que l'énervement et l'impassibilité à toute épreuve, elle évolue mollement où Mabius hurle tous le temps, n'ayant pour simple corde à son arc que de faire les gros yeux sur fond de maquillage bas de gamme aux relents des Halloween que tu te tapais quand tétais gosse et que tes parents n'avaient pas encore de BTS en grimage de p'tit monstre.
Alors t'observe la catastrophe non sans rire, et tu te rends compte qu'on y tient encore et toujours le cahier des charges des lieux communs des mauvais films des années 2000; entre le même mauvais métal hurlant, la même techno répétitive et les mêmes projecteurs bleutés qui clignotent toujours pareillement depuis Blade comme par manque d'alimentation, c'est qu'on pourrait écrire une thèse sur l'intégration des suites de merde dans le cinéma post 20ème siècle.
Forcément que le montage fera vomir plus d'un inconditionnel de la forme, et que l'écriture dégoûtera tout amateur de fond suffisamment inconscient pour se risquer à s'y intéresser. Laid, bête et mal formé, The Crow 3 : Salvation continuait d'assoir toujours plus la mauvaise réputation de la saga The Crow, à juste titre. Le meilleur dans l'histoire, c'est que le pire était à venir. Mais cela, Edward Furlong ne le savait pas encore.