50% femme, 50% titane - 100% viscérale

« Titane » démarre sur les chapeaux de roue, offrant rapidement son lot de scènes barrées et/ou dérangeantes. Il serait dès lors criminel (et difficile !) d’en résumer l’intrigue, mêlant meurtres, famille dysfonctionnelle, et fusions de corps et de métal. Le mieux étant de découvrir le film à froid…


On peut néanmoins dire que c’est une œuvre audacieuse et imprévisible, qui oscille entre le fantastique, l’horreur (body-horror)… et l’humour noir. Car oui, « Titane » sait alterner les moments perturbants et très violents, avec des touches comiques bien gérées. Mais au-delà de son humour, Julia Ducournau fait preuve d’une réelle maîtrise technique (éclairages néon et photographie nickel, sons par percussions métalliques, maquillages très convaincants, certaines idées visuellement originales…). La réalisatrice parvient ainsi à nous immerger immédiatement dans des univers singuliers et prétendument virils (un salon de tuning, une caserne de pompier…). Et elle nous livre plusieurs scènes particulièrement viscérales et plus ou moins folles, ne cachant pas ses influences : un peu de Carpenter (gros clin d’œil à « Christine »), et beaucoup de Cronenberg, le pape du body horror.


Ces moyens techniques et ces idées délirantes -qui ne plairont clairement pas à tous- ne sont pas pour autant gratuits. A travers une narration essentiellement sensorielle et visuelle, « Titane » s’avère riches en diverses thématiques. Le sujet du genre est abordé, à travers bons nombres de clichés sur la féminité et la masculinité, qui sont manipulés pour être souvent détournés, posant la question de l’identité sexuelle. La famille et surtout la filiation sont également au cœur du récit, montrant son importance dans la construction des individus, et leur de capacité à aimer.


Pour évoquer ses thèmes, le film s’appuie en outre sur ses deux excellents interprètes principaux. Vincent Lindon, étonnant en pompier vieillissant dopé aux stéroïdes, dont l’allure imposante masque un être écorché et sensible. Et Agathe Rousselle, qui démarre très fort avec son premier long-métrage. L’actrice parvient à incarner une protagoniste détestable au départ, dont on va découvrir la détresse et le besoin d’amour, son visage androgyne renforçant l’aspect dérangeant du personnage. Les jeux subtils de ces comédiens renforcent un récit évoluant en regards et en non-dits.


Cela fait plaisir de voir des films, français par-dessus le marché, se lancer ainsi dans le body horror en proposant un contenu osé et profond, sans prendre le spectateur par la main. Cependant, soyez prévenus, certains resteront peut-être sur le carreau, en particulier les âmes sensibles, et ceux qui recherchent plutôt des narrations très explicites et explicatives.

Redzing
8

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le 30 juil. 2021

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