« Warcraft le commencement » des bonnes adaptations de jeux ?

Je n’attendais vraiment pas grand chose de ce film, au mieux un divertissement agréable et pourtant voilà que je viens de voir un des blockbusters les plus plaisant de l’année, loin devant un Civil War ou un Gods of Egypt. Pour commencer précisons que je n’ai jamais touché à un jeu Warcraft ou même à World of Warcraft. Ça peut paraître hors propos mais en feuilletant les critiques pour la plupart mauvaises du film il ressort que visiblement le long-métrage est hermétique aux néophytes, en soit un film de fanboy. Ce n’est pas le cas, car même si on ne comprend pas forcément les tenants et les aboutissements de chaque référence, Duncan Jones peint un univers qui réussit à dépasser du cadre, qui intrigue le spectateur et le force à faire des hypothèses sur tel ou tel aspect de l’univers plutôt que de lui donner les clés par des dialogues didactiques.Le film fait même l'effort à travers une astuce de doter l'alliance et les Orcs d'une langue différente de l'anglais. Selon le point du vue qu'on suit, le spectateur entend une traduction en anglais des différentes langues utilisées par les personnages. Par exemple, dans une scène de face à face entre Orcs et Humains, la scène commence par nous faire suivre le point de vue des humains donc ces derniers parlent anglais et les Orcs leur langue, puis par un mouvement de caméra on change de point de vue et c'est donc les Orcs qui vont parler anglais et les humains leur langue. Cet effort d'intégrer à la diégése du film le fait que personne ne parle finalement anglais combiné aux exigences budgétaires qui fait que le film doit être en anglais pour rentrer dans ses frais dénote d'une vraie recherche pour faire un film abouti et soigné malgré les consensus imposés par un long-métrage mainstream. Cependant, on n’échappe pas au monologue un peu facile balancé par les personnages pour expliquer leurs "background" de manière un peu artificielle. Le film nous fait croiser des espèces variées et brasse beaucoup de thèmes à un rythme soutenu, parfois trop, surtout dans le dernier acte du film où les coupes se font sentir, accouchant d’un montage qui va jusqu’à créer des légères incohérences par exemple des personnages qui vont changer de position lors d’un montage alterné. Au delà de ces petits problèmes, la très grosse force de Warcraft est son visuel avec en premier lieu les effets spéciaux numériques magnifiques. Là où l’usage abusé du numérique d’habitude me sort du film, ici dans la continuité des cinématiques très léchées des jeux Blizzard Studio, il crée un vrai cachet hybride entre film d’animation et film live action comme ce qu’a pu faire le Livre de la Jungle de Jon Favreau. Je pense que Warcraft d’un point de vue technique participe à une nouvelle esthétique au sein du cinéma où le numérique réussit à créer un univers tangible, artistiquement abouti et photo-réaliste au détour de certains plans, notamment sur les Orcs. Ce qui fait la force de ces nouveaux univers est qu’il abaisse totalement la frontière artistique entre le réel et le virtuel, créant un univers sur le papier dichotomique (les Orcs numériques et l’alliance en live) mais parfaitement cohérent. Qui plus est, ces films causeront bientôt pour moi un virage dans la réflexion du cinéma puisqu'on ne pourra plus différencier le concret du virtuel, introduisant une remise en question de ce qu'est le cinéma d'animation et le cinéma live action. Au delà de ça, Duncan Jones a une mise en scène qui sait donner de l’ampleur à l'image par le biais de plans iconiques (l’épée du roi plantée dans le sol) ou des audaces visuelles dans certains plans lorsque en vue aérienne on remonte la trace des Orcs avec une caméra qui accélère et se stoppe de villages en ruines en villages en ruines rappelant les origines STR de Warcraft. Le film n’est pas comme je le pensais, un produit formaté, au contraire sa réalisation réussit à lui donner une véritable identité composée de beaucoup de mouvements d’appareils audacieux rendus possibles et crédibles par le fait que dans des scènes entièrement animées, la caméra n’est plus limité physiquement. Duncan Jones peut aussi se reposer sur une direction artistique en béton et surtout cohérente de bout en bout.


En ce qui concerne l’histoire, moi qui m’attendais à un affrontement bête et méchant aseptisé ce fut encore une très belle surprise. Tout d’abord on sent que le camps qui intéresse le plus le réalisateur est celui des Orcs, rempli de personnages forts et riches comme Durotan, déchiré entre son appartenance ethnique, son honneur et ce qu'il estime juste pour son peuple. Qui plus est, sans spoiler, le film se permet quelques effets un peu trashs et surtout une mortalité élevée des personnages qui n’est pas sans rappeler les séries comme The Walking Dead ou Game of Thrones. En comparaison le camps de l’alliance peut sembler un peu plus terne dans son esthétique et ses personnages mais est esquissée une richesse sûrement exploitée plus en avant dans d’éventuelles suites. Le scénario est donc riche, rythmé et donne vraiment envie de voir la suite, qui plus est Duncan Jones par l’utilisation d’une référence biblique vers la fin du film donne une ampleur supplémentaire au film. Cela peut paraître un peu facile mais l’utilisation de certaines images ou situations profondément encrées dans l’imaginaire et la culture permet de placer le film dans un écho de traditions se répétant de générations en générations. Au final c’est donc un très bon début de franchise à la fois immédiatement prenant et porteur de promesses intéressantes pour la suite. On pourra néanmoins regretter l’absence d’une vraie conclusion au film, optant pour un cliffhanger.


Pour conclure je ne peux que vous encourager à aller voir Warcraft que vous soyez familier ou non de l’univers de Blizzard puisque en attendant Assassin’s Creed il s’agit sans doute de la meilleur adaptation de jeux-vidéo juste devant le Silent Hill de Christophe Gens, intéressant mais néanmoins plus bancal. Les jeux-vidéos réputés source de mauvais films sont en réalité des matériaux tout aussi prometteurs que d’autres à condition d’être confiés à des artistes talentueux. La presse me semble néanmoins à la ramasse encore une fois, détruisant le film plus pour son statut que pour ce qu’il est vraiment dans une forme de snobisme stérile. Warcraft n’est pas parfait évidemment mais il dénote d’une vraie intention de cinéma et d’une vraie proposition artistique ce qui, que l’on aime on non, mérite au moins le respect. Surtout que le film de Duncan Jones réussit à avoir une âme et un contenu inédit au cinéma, agréable bouffée d'air entre deux Marvel ou DC.

Adrien_Pointel
8
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le 15 juin 2016

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