A BEAUTIFUL DAY (16,5) (Lynne Ramsay, GB, 2017, 90min) :


Cette sidérante odyssée chaotique nous entraîne dans la psyché d'un tueur à gages engagé pour liquider des bourreaux d'enfants. La réalisatrice écossaise habituée à aborder frontalement l'âme humaine ne déroge pas à la règle avec ce voyage au bout de la nuit à travers lequel un ancien Marine, qui a fait la guerre en Irak, à l'enfance meurtrie, va tenter de trouver la rédemption par la violence. Dès la séquence inaugurale, la cinéaste propose une radicale mise en scène immersive ultra-cadrée où la méticulosité de la mise en image (très gros plans d'objets ou corporel), rejoint le soin très particulier que l'anti-héros exerce dans sa vie quotidienne et après chacune de ses missions pour réparer les dégâts. Le long métrage débute de manière sensorielle pas des sons de décomptes par deux voix différentes, troublant notre rapport avec la temporalité de l'action, et augmentant les duplicités d'entrée du "je" ! Une œuvre de genre revenge movie où la stylisation de la violence est toujours en hors champ, évitant ainsi la complaisance et la surenchère d'hémoglobine à l'intérieur de scènes complètement marteau. La cinéaste ne se contente pas d'un simple brillant exercice de style mais confronte le spectateur complice, dans un récit hallucinant toujours du point de vue du protagoniste où les traumatismes ne cessent de venir le hanter (de manière trop redondante) à travers des flashbacks angoissants. La narration ténébreuse subit des ruptures de rythmes surprenant entre les scènes étirées volontairement et les coupures abruptes à la fin de certaines séquences. Lynne Ramsay impose tout au long du long métrage, une ambiance poisseuse où l'on découvre la pourriture de l'homme s'attaquant à l'innocence enfantine à l'intérieur d'un réseau de proxénètes servant de la chair fraîche à des politiques sordides. La réalisatrice livre un impressionnant montage visuel kaléidoscopique par moments et sonore, une sorte de one trip one noise violent, où la musique organique du guitariste Jonny Greenwood (du groupe Radiohead) enveloppe le corps massif et cabossé de l'acteur Joaquim Phoenix par le biais d'une caméra épidermique, où la masse musculaire et certains embonpoints sont filmés comme un paysage dégradé. La peau reflète en effet toutes les cicatrices subies, un parfait reflet de l'âme, incarné avec intensité et mutisme par le fascinant Joaquim Phoenix, récompensé par le prix d'interprétation masculine lors du Festival de Cannes 2017. Un trophée incontestable tant l'acteur est époustouflant dans ce rôle torturé. Une œuvre dont l'influence scénaristique évidente demeure Taxi Driver (1976) du maître Scorsese, la puissance en moins, mais le parti pris esthétique et narratif convoque également aussi le cinéma singulier de Nicolas Winding Refn. Venez plonger dans l'abime de l'enfance massacrée où la noirceur peut être le bon chemin bordeline, afin de revivre sereinement un futur A Beautiful Day. Viscéral. Oppressant. Attachant. Hypnotique.

seb2046
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le 8 nov. 2017

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