La vengeance et la violence n'ont jamais été aussi belles

"A bittersweet life" c'est un film noir racontant une sombre histoire de vengeance comme savent si bien le faire les réalisateurs coréens de ces dernières années. La trame est somme toute classique pour le genre. Un jour Mr Kang, chef d'un gang coréen confie une tâche simple à son homme de main Kim Sun-Woo incarné par Lee Byung-Hun (l'acteur fétiche de Kim Jee-Woon, pour l'avoir vu dans plusieurs de ses films) : surveiller sa petite amie pendant qu'il sera en déplacement à l'étranger pendant 3 jours et si par malchance Kim Sun-Woo la surprend avec un autre homme il devra les éliminer. C'est pas vraiment la tasse de thé de l'homme d'action de surveiller les faits et gestes d'une demoiselle mais il s'y plis.
Malheureusement pour lui, Kim Sun-Woo, surprenant la jeune femme avec un autre homme ne pu se résoudre à les assassiner froidement et c'est là que les ennuis vont commencer pour lui. De cette petite erreur va s'en suivre une spirale de la vengeance qui va faire monter crescendo la violence jusqu'à arriver à une scène de gunfight dans l'hôtel complètement jouissive.

On retrouve tous les codes du genre, un héros ténébreux et solitaire, une ambiance sombre et noire, etc... Mais le réalisateur arrive justement à titrer son épingle du jeu grâce à son esthétisme léché et au ton décalé propre à son univers. Je pense notamment à la scène où le protagoniste affronte des trafiquants d'armes dans leur quartier général, une scène à l'humour décalé et complètement absurde. Ce genre de scène permet de respirer un peu hors de l'atmosphère étouffante et chaotique pour mieux reprendre ensuite à un degré supérieur l'intensité des combats.
Il ne faut pas se leurrer ce thriller reste violent et brutal avec un héros aveuglé par la vengeance au point qu'il perd complètement le contrôle sur sa vie. Dans des combats très bien chorégraphiés et montés, tous les types d'armes y passent, le canif, la batterie de portable, le bout de bois enflammé et bien sûrs les armes à feu qui viennent conclurent ce film dans une fusillade intense et furieuse redécorant l'hôtel avec un bain de sang et nous offrant des instants de bravoure qui vous laisseront scotchés sur votre siège jusqu'à arriver à une note finale touchante et vibrante qui pourra vous faire lâcher une larme (je suis du genre à pleurer facilement xD).

Cet homme qui a consacré sa vie à un gang n'était plus un homme et jamais il ne le sera, offrant ainsi au spectateur le drame d'un être écorché par une humanité inatteignable et un amour non-partagé. Bref de quoi faire pleurer les plus sensibles à la fin.
J'ai dit amour non-partagé, mais peut-être pas. Et c'est peut-être là que le film n'est peut-être pas clair. En effet, les personnages et leurs relations sont très peu développés et Kim Sun-Woo étant un être froid, il semblait jusqu'à sa rencontre avec Hee-Su sans âme. Il semble être touché par la jeune femme, mais ils ne parlent pas vraiment entre eux et elle ne semble pas spécialement ressentir quelque chose pour lui. C'est en ça que cet amour est non-partagé mais on pourrait plutôt dire un amour inatteignable. Pour lui, elle semble si loin et intouchable de part son statut et la vie qu'il mène mais c'est pourtant en partie à cause d'elle qu'il se retrouve à vouloir buter tout le monde.
Il n'aura pu que frôler sans toucher le bonheur une fois dans sa vie et c'est peut-être ce qui l'a fait en partie sombrer aveuglément dans la vengeance.

Mais il y a un sens de lecture principal à cette vengeance. Celle-ci est surtout motivée par la trahison. Mr Kang s'est senti trahi par Sun-Woo parce qu'il a désobéit alors il le punit avec une sanction plus sévère que l'acte de trahison. Le héros ne comprend pas le sens de cette punition et la prend lui aussi comme une trahison envers lui alors qu'il a offert ses bons et loyaux services pendant 7 ans sans broncher. Ne comprenant pas qu'on veuille se débarrasser de lui pour avoir essayer de bien faire pour tout le monde, il partira en quête de vengeance car c'est désormais la seule voie qu'il lui reste, une voie née du désespoir, tant qu'il sera en vie il ne sera jamais tranquille. Face à une mort certaine il est prêt à tout pour en finir.

Malgré un manque de profondeur évident des personnages au profit de l'action et de l'esthétisme, le film reste bon. Le montage et l'image sont tout bonnement magnifiques, on peut même y déceler un brin de poésie. Des plans stylisés à l'esthétisme froid et glacial servis par une B.O sonnant juste qui nous feront constater au moins une chose : "Ce film est beau". Donc même si on n'aime pas le thème classique de la vengeance, même si le scénario tient sur un timbre poste et même si les personnages manquent d'âme, on peut au moins reconnaître que "A bittersweet life" est un petit bijou d'esthétisme.
Quant au dernier plan, désarmant de simplicité, il finira par vous achever en vous faisant prendre conscience de l'injustice et de l'amertume de la vie, cette larme d'un homme détruit au milieu de ce flot de sang ne manquera pas de vous émouvoir grâce au sublime jeu (du magnifique) Lee Byung-Hun dont le personnage est passé de la froideur à l'émotion pure.