Il est facile de manquer le dernier plan de "A Bittersweet Life", et, du coup, de passer à côté. D'ailleurs, c'est exactement ce qui m'était arrivé la première fois que j'avais vu le film. Comme "Shutter Island" (cela me paraît le meilleur exemple récent de remise en question finale de ce que l'on a vu - et parfois critiqué - auparavant), "A Bittersweet Life" offre une conclusion expliquant certaines dérives formelles du film qui s'étaient avérées choquantes, comme cette outrance croissante d'un déluge de violence de moins en moins réaliste, ces éclairs d'humour grotesque, ce gunfight final interminable... qui semblaient - avant ce dernier plan - dénaturer la beauté du film. A travers cette remise en question subtile de ce que l'on a pu voir et comprendre tout au long des deux heures qui ont précédé, KIM Jee-Woon nous offre un portrait extrêmement pessimiste d'un monde rongé par la violence, où les vieilles notions d'honneur ne dissimulent que l'absence totale d'humanité des personnages : le "héros" rêvé du film, machine à tuer quasi indestructible réalisera que pour "réussir" professionnellement, il ne faut aimer personne. Mais il nous propose aussi une "sortie" : s'arrêter pour contempler la beauté (de feuilles qui vibrent dans le vent, du visage d'une femme absorbée sur la musique qu'elle joue au violoncelle), déguster une tasse de café en contemplant la ville à travers une vitre... prendre la bonne décision. Tout cela avec mis en scène puissante, juste, d'une grâce stupéfiante. Un chef d'oeuvre ?