plein de petits trous, des petits trous toujours des petits trous. James Bond qui rencontre Captain America. Johnson qui cite Pynchon (certains y verront la preuve d'un égo à vouer aux gémonies). Des grands écarts qui soulèvent le sourcil du doute et des sous-lectures sur l'industrie du cinéma et l'accouchement ingrat des derniers Jedis d'un Johnson meurtri par des coups de couteaux non rétractables.
Si ce film est une jubilation de références pour les cinéphiles et probablement un exutoire pour son auteur, il faut aussi, et avec le recul, surtout, relever qu'il crée une nouvelle licence qui remasterise le genre du whodunit dans une édition postmoderne. Un deuxième est en projet, autour du personnage du détective faussement benêt qu'est Benoit Blanc. Quel plaisir !
Incapable de tenir un discours d'érudit sur la citation pynchonesque, je me contenterai de dire qu'elle semble essentielle dans la compréhension de la démarche de Johnson. Démarche qui d'ailleurs n'est probablement pas si nouvelle de sa part puisque chez lui le non assouvissement des attentes habituelles d'un spectateur devant tel ou tel genre cinématographique est reconnue comme une marque de fabrique qui rendrait maintenant l'imprévisible assez prévisible. Il faut donc s'attendre à de l'inattendu avec lui, ce qui tue un petit peu l'ingéniosité de la démarche au fil des productions. Attention il ne faut pas croire que les retournements de situation sont devinables, il s'agit juste de dire que l'on sait qu'il y en aura. Un Johnson qui tord les codes du genre whodunit dans une démarche qui se qualifiera pour les uns de vaine et de postmoderne selon moi. Sortons les grands mots difficiles à maitriser, c'est là l'esprit de la démarche de Johnson. Tout en ne pétant pas plus haut que son arrière train cela va de soi même si le ton du film peut mener à un tel raccourci. Mais Johnson fait-il vraiment une fraude intellectuelle avec son film ? Je pose la question et qu'à cela ne tienne il ne manque pas cependant d'être intéressant en livrant notamment une réflexion sur la vérité qui en fait au moins un divertissement peut être plus intelligent que la moyenne.
Une vérité qui ferait toujours payer sa dette au mensonge dépensé car celle-là est absolue (le triomphe inévitable). Une vérité qui serait en même temps incapable de faire vomir un personnage qui pensait dire la vérité. La vérité est donc aussi relative, elle est vécue comme vérité au même titre qu'une situation est vécue comme mensongère avant d'être une résultante de faits mis bout à bout. De quoi divertir les petits penseurs du dimanche comme moi (du dimanche soir plutôt car point trop n'en faut, je lis pas non plus Pynchon... ou disons que c'est compliqué !).
Un délice de personnages servi dans une ambiance froide de campagne humide et terne. Pas thriller pour un sous mais avec une tension faussement molle qui tient en haleine. Un sens du cadre toujours calibré. Un petit plaisir moins prétentieux qu'il n'y paraît et témoignant d'une volonté de ne pas suivre l'inéluctable recentrage des productions cinématographiques vers un centre vide et ennuyeux. Bref un film avec une ambition différente qui décentre nos habitudes et apporte le sourire en ces temps de confinement.