L’idée excellente de réaliser un film policier du genre Cluedo à la manière d'autrefois s'appuie sur de solides atouts.
D'abord la volonté de légèreté, d'humour s'écarte des habituelles productions américaines trop sérieuses tout en évitant le piège de la parodie dans lequel était tombé le film Cluedo justement. La tension inhérente au genre est quand-même bien présente dans la seconde partie avec faux coupable à la Hitchcock alors que la première est une intrigue complexe à huis clos. Le scénario, écrit par le metteur en scène Rian Johnson (Les derniers Jedi) himself, alors qu'on le croirait presque écrit par Agatha Christie, est d'une précision horlogère et ménage jusqu'à la fin son lot de retournements et de twists finaux.
Rian Johnson a bien étudié les codes du genre : il s'est aperçu d'abord que dans la narration des romans policiers il y a souvent un personnage secondaire auquel le lecteur et surtout la lectrice s'identifie plus volontiers qu'au détective et c'est pourquoi le personnage de l'infirmière chargée de seconder le détective Benoit Blanc prend une telle importance. Elle introduit un contrepoint d'humanité au milieu de la famille du disparu, vrai panier de crabes de oisifs, de ratés et de profiteurs à couteaux tirés entre eux et qui ne rêvent bien sûr qu'à l'argent de l'héritage. Johnson a aussi compris que dans le genre polar la solution vient souvent d'un élément extérieur que l'on n'a pas pu soupçonner puisqu'il n'était pas là au début.
Parlons de l'enquête maintenant puisque tel est le bien le but de ce genre de film où il faut trouver le coupable et que les experts nomment je crois un doux donut, puisque les bouts de l'énigme se rejoignent savoureusement mais qu'il reste pour l'explication finale un trou au milieu comme pour les donuts. (On me souffle que ça s'appelle en fait un whodunit, ce qui prouve bien que je ne suis pas moi-même un expert). Le plus important dans le whodunit donc est de réussir un bon casting, histoire d'attirer le chaland rien que par l'affiche. Et là on n'a pas lésiné sur les vedettes : Jamie-Lee Curtis, James Bond (Daniel Craig toujours efficace), Tonie Collette, Michael Shannon, Captain America (Chris Evans), un ex-flic de Miami (Don Johnson) et le vétéran trop méconnu Christopher Plummer dans le rôle de la victime. Toute cette bande hétéroclite a l'air de bien s'amuser même si la plupart apportent peu à l'énigme. Celle qui vole la vedette à tout le monde par la suite est une actrice inconnue : la jolie Ana de Armas dans le rôle de Marta la jeune infirmière d'origine latino.
On dira peut-être que ce type de film à base d'enquête policière a pris un sérieux coup de vieux avec l'émergence de séries TV. Mais ne boudons pas notre plaisir d'anciens lecteurs d'Agatha Christie de retrouver cette énigme qui se passe à l'époque contemporaine et qui sert de terrain de jeu à une pléiade d'acteurs connus.