Je me dois d'apporter mon grain de sel ou de folie (c'est approprié) après la lecture de quelques critiques sur ce film. Pour commencer, et c'est utile, A Dangerous Method ne s'écarte pas des thématiques abordées habituellement par Cronenberg, à commencer par l'idée d'aliénation de l'individu et la perte de contrôle des sens et de la corporalité. Mais toute la complexité de Cronenberg est de ne pas choisir de source et de traitement à l'identique. Ici on est sur une adaptation, et pas dans le registre fantastique, ni science fiction, ni policier ou mafieux, et ça n'est pas sa première adaptation réussie. A cet égard on pourra parler de "Dead Zone" dans un tout autre genre, ou les thématiques de perte de raison, de corporalité, d'individuation sont déclinées d'une autre façon.
Quoi qu'il en soit, Cronenberg alterne, et en cela il rend complexe le perception de ses intentions. Dans ce cas là, il s'agit de tirer l'essence étrange des relations épistolaires entre les deux psychanalystes célèbres et une tierce personne. En apparence une adaptation d'une pièce de théatre et d'un roman au fond et contenu historique qui tente d'éclairer un pan de l'histoire majeure, celle des révolutions de l'analyse de l'esprit: "La peste" dira Freud avant d'arriver aux Etats-Unis. Car si Cronenberg s'intéresse à une chose, c'est bien la dualité, qui est poussée dans une sorte d'extrême, en démontre le jeu au bord de l'hystérie douloureuse de Keira Kneightley, dont visages , corps et voix se trouvent déformés quasiment jusqu'une laideur particulière. Et cette difformité va gagner progressivement la totalité des personnages, et jusqu'au monde, alors qu'une guerre déjà entamée dans les âmes se prépare. Le support est supposé l'histoire et cette histoire, mais les moments choisis indiquent les tourments qui fascine l'auteur. Il fait un tour dans la psyché et l'inconscient de ses malades et de ses maladies, les siennes propres et celles de ses personnages. En naît un Cronenberg dont la démence n'est pas toujours frontale ou bien visuelle ou visualisable, comme dans Crash ou il imbriquait le désir érotique et la mutilation contrôlée issue du danger et d'un besoin libérateur de la mort, et ou il s'interrogeait à haute voix sur les mensonges révélés par la confrontation à l'intensité puissante des derniers instants, opposés a l'absurdité et la raison comme tentative désespérée d'évitement. La voilà la méthode dangereuse, décrite et décortiquée.
Aussi est il préférable d'être prévenu avant de visionner, c'est un Cronenberg, un vrai Cronenberg pour les adeptes des thématiques, de la "filmique" caractéristique, esthétisante, de ce cinéaste, en aucun cas des genres utilisés, et qui ne sont que des outils, pour aborder les mêmes sujets, de manière antécédente et postérieure. Et en ce qui précéde et suit ne voyez que l'application de sa méthode la plus vivace à questionner l'être sa raison.