Près de dix ans avant qu'il atteigne la gloire avec Shaun of the Dead, Edgar Wright a réalisé avec trois bouts de ficelle (en gros 15 000 dollars !), son tout premier long-métrage, A Fistful of Fingers. Comme le titre le laisse entendre, il s'agit principalement d'une parodie des westerns-spaghettis et en particulier ceux de Sergio Leone, le tout très influencé par les ZAZ.


Bref, le genre volontairement débile à injecter dix gags à la seconde, basant son pari que si neuf d'entre eux foirent, il y aura au moins toujours le dixième à faire rire le spectateur. Dans le domaine, il y en a pas mal à faire dans le méta. En outre, le jeune réalisateur connaît très bien les codes visuels et narratifs de ce qu'il parodie. Oui, connaître sur le bout des doigts l'objet parodié est essentiel pour une bonne parodie. Ce qui fait que j'ai souvent été agréablement surpris par la fertilité de l'imagination du cinéaste pour faire sortir des idées drolatiques de scènes typiques du western-spaghetti, voire plus largement du western tout court, comme l'arrivée de l'étranger dans un bled paumé face à des habitants terrifiés ou les confrontations dans les saloons.


De plus, il y a une manière bien à lui de palier le manque de budget pour ce qui est de la question des chevaux. Ce n'est peut-être pas aussi hilarant que les noix de coco des Monty Python, mais difficile de se retenir de rire. Ah oui, le scénario, c'est une parodie de Clint Eastwood qui veut venger la mort de sa monture face à un grand méchant moustachu tout de noir vêtu. Et comme je l'ai déjà dit auparavant, c'est mené avec stupidité de bout en bout, y compris jusqu'au générique de fin (oui, comme les ZAZ !). Mais attention, stupidité n'est pas absence de rigueur. Je vais y revenir plus tard.


Alors la première moitié (avec l'argument simple, mais sûr d'un chasseur de prime traquant un bandit particulièrement dangereux !) est assez bien menée pour le coup. Wright n'est pas en manque d'idées pour rendre chaque situation la plus fendarde possible (j'en ai donné des exemples précédemment !). Après, c'est nettement plus inégal, une fois le héros lancé dans sa traque vengeresse, c'est-à-dire quand il est vraiment dans la nature.


Le metteur en scène peine à s'appuyer sur les nouveaux éléments pouvant renouveler l'intérêt, à savoir l’interaction du protagoniste avec les personnages qui apparaissent à ce moment-là. Certains ne sont pas assez approfondis (oui, des personnages consistants, c'est important, y compris dans une parodie !) et surtout, il n'y a pas vraiment de dynamique de duo (ou trop peu !) mise en place entre le vengeur et l'Amérindien (en gros, ce qu'il réussira superbement avec Simon Pegg et Nick Frost !). Ils font un peu trop leur popote chacun de leur côté pour cela. Et c'est dommage, car il n'y a pas meilleur moteur narratif westernien (regardez du côté de Leone ou la parodie de Mel Brooks, Blazzing Saddles, entre très nombreux autres pour vous en assurer au besoin !). Résultat, il y a toujours de très bons gags, mais ils donnent plus le sentiment d'être balancés dans du vide, faute d'une écriture un tant soit peu solide autour.


Les autres problèmes viennent du budget. Visuellement, ça a l'allure cheap d'un film étudiant (d'ailleurs, c'est un film étudiant !), ce qui fait qu'il est difficile de le voir autrement, de le regarder comme une véritable œuvre cinématographique (je me permets de faire une critique sur ce point, car il y a des films aux budgets minables qui sont parvenus à faire croire qu'ils ont coûté beaucoup plus chers !). Et les décors anglais (même si ça donne lieu à un bon gag lucide sur cette limite lors du générique de fin !) empêchent de croire au cadre westernien. Bon, je me doute qu'avec 15 000 dollars, Edgar Wright n'allait pas transporter toute son équipe à Monument Valley (ce qui fait que je m'en veux un peu de blâmer le metteur en scène sur ce point !).


Bon, je sais qu'avec le recul des années, c'est trop facile d'écrire cela (maintenant que sa brillante réussite est établie !), mais, malgré les défauts, malgré les limites, le Wright de 1995 prouve qu'il a d'ores et déjà une imagination foisonnante en ce qui concerne la parodie et, en bonne partie, une capacité à tirer tout le potentiel humoristique possible de n'importe quelle situation, lieu ou type de caractère. Il ne lui manque juste ici un soupçon de rigueur et pas mal de thunes pour pouvoir pleinement s'accomplir.

Plume231
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le 11 oct. 2021

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