S'il y a un genre de film qui peut très vite m'agacer, c'est bien le film d'auteur indé comme celui-ci, où l'on sent un discours puissant, mais une narration très pauvre.
Car il faut bien le dire, il ne se passe pas grand chose dans ce film. Il n'y a pas vraiment d'histoire. Des personnages un peu seuls. Mais ils ne font rien. Sur la fin, une situation intéressante émerge. Mais l'auteur n'en fait rien ; il propose plutôt un long silence en guise de conclusion. Le concept du film est à peine exploité. Les situations qui précèdent sont pauvres. Les personnages ne sont pas creux, mais vu que rien n'est réellement exploité, c'est tout comme. Et puis c'est décousu. C'est dommage parce qu'il reste des idées intéressantes en soi.
La mise en scène est très inégale. Quelques jolis plans, puis des plans moches. Des points de vue intéressants, puis des points de vue franchement pas pertinents. Je pense par exemple à la scène où le père est en manque : le montage proposé nous montre le père en accéléré qui se balance, marche ou tourne en rond, le tout en jumpcut. C'est très moche, l'angle de vue ne met vraiment pas avant le personnage et l'effet voulu ne prend pas. Et puis, l'auteur propose de nous montrer un chat qui regarde le père (en hors champ), sa tête suit donc les mouvements du père, mouvements qu'on ne voit pas mais qu'on devine : ce plan est juste magnifique, tellement plus adroit, tellement plus original, qui laisse le loisir au spectateur d'allumer son cerveau, c'est plus fort. L'esthétique est traité de manière aussi inégale, quelques jolis plans, avec une belle lumière, et puis de temps à autres, des plans moches à cause d'une mauvaise qualité de la caméra qui rend les mouvements un peu flous.
Le montage souffre de gros problèmes de rythme : les acteurs, déjà, font silence dès que possible, comme pour faire genre, mais beaucoup de plans aussi sont étirés sans qu'il ne se passe rien, sans que cet étirement ne raconte quoi que ce soit. C'est tellement pauvre. La contemplation où il n'y a rien à contempler, ça ne sert à rien, surtout si en plus ça ne raconte rien.
L'esthétique générale du film ne m'a pas convaincu. Déjà à cause d'effets de style grotesques (par exemple quand la vampire s'en prend au clochard, ou bien que la prostituée assiste à la mort du père). Ensuite parce que je trouve que l'image est bien trop propre par rapport à ce que ça raconte et qu'un style à la Jarmusch ou à la Linklater à ses débuts aurait été plus intéressant (c'est-à-dire avec du grain, des mouvements plus maladroits, une contemplation du sale en quelque sorte). Ici, ça fait poseur, l'ambiance me paraît inadéquate. De plus, la réalisatrice semble plus se focaliser sur ce travail d'ambiance qu'autre chose ce qui donne l'impression, par moment, de regarder un clip video...
Sinon, les acteurs sont corrects. Les actrices principales sont vraiment très belles. Les visages orientaux peuvent vraiment être très beaux. Même les hommes, je peux y reconnaître une beauté (le héros par exemple).
Bref, un film assez pauvre malgré le travail esthétique apparent. Il reste tout de même quelques bonnes idées, c'est dommage de n'en avoir rien fait. Je ne doute pas que les intentions de l'auteure soient nobles et louables, mais moi ce que je veux, c'est une histoire ; un discours ça ne tient pas tout seul pour moi, ça a ne me suffit pas. C'est comme quand, dans The Voice, Jenifer s'étonne que Micka n'aime pas une chanson alors qu'il trouve le message beau. Le message ne suffit pas, il y a tout le reste qui va avec, qui fait partie du médium (la technique vocale et les arrangements sonores pour la musique, par exemple).