Ceux qui me suivent sur SC savent sans doute que j'ai une tendresse particulière pour Pinocchio, tant pour le roman de Collodi que pour ses multiples adaptations.
Je ne m'attendais pas, en découvrant ce film de Spielberg et malgré le thème que j'avais lu, à en trouver une approche aussi originale et pensée. Le titre évoquait plutôt pour moi l'étonnant E.T qui avait tant bouleversé les gosses de mon époque, bien que l'adorable Haley Joel Osment soit loin de ressembler à un alien.
L'histoire est celle d'un petit robot conçu pour ressembler à la fois physiquement et émotionnellement à un véritable enfant. Son concepteur (joué par William Hurt) est un professeur de cybernétique qui, suite au décès de son propre enfant, décide d'en recréer une version robotique. David en est le prototype.
L'histoire se déroule dans un futur pas très lointain où les robots sont utilisés pour l'ensemble des tâches domestiques et travaux divers. Vus exclusivement comme des objets, bien qu'ils aient une apparence humaine, ils sont détruits dès qu'ils deviennent trop vieux ou sont abimés.
David sera donc le 1er robot à posséder également des sentiments humains et à pouvoir s'attacher à une famille. Il est ainsi confié à un couple dont le fils de 11 ans est plongé dans le coma. Il va s'attacher passionnément à sa mère comme le programme l'a prévu et cet attachement ne pourra jamais être rompu.
Miraculeusement, le fils de la famille, William, sort du coma et reprend sa place dans la maison; il devient rapidement jaloux de l'enfant "jouet".
Suite à plusieurs incidents, surtout causés par la jalousie de William, David est décrété dangereux et doit être rendu à l'entreprise qui l'a fabriqué. Bouleversée, Monica est obligée de l'abandonner dans la forêt afin qu'il échappe à la destruction. Accompagné de son ourson robot , David, qui a été frappé par l'histoire de Pinocchio, se met en quête de trouver la Fée bleue, afin qu'elle l'aide à devenir un vrai petit garçon.
Dès lors, les parallèles avec l'histoire de Pinocchio vont se multiplier même si l'histoire diffère fortement. Dans sa quête, David est accompagné d'un ours en peluche très perfectionné et sage, son Jiminy Criquet, en quelque sorte. L'ours Teddy ne se contente pas de parler et de marcher. Il suit partout son maître et semble réellement s'y attacher. Il lui vient également en aide de façon très utile à la fin de l'histoire.
La route de nos petits héros va également les conduire sous l'eau et la fête foraine qu'ils y découvrent ne peut là aussi que rappeler celle de Pinocchio - je ne vous dirai pas pourquoi ! -.
Durant son périple, David rencontre Joe le gigolo, un étonnant robot conçu pour plaire aux femmes Bien que ce soit toujours un plaisir de le voir jouer, Jude Law semble ici interpréter un personnage assez inutile dans l'histoire, son rôle est en fait assez court et pas assez approfondi. Peut être finalement l'ours robot Teddy aurait-il suffit comme compagnon pour David.
Le film est en effet quasiment exclusivement - sauf dans les dix premières minutes du film - centré sur le personnage de David, interprété avec beaucoup de talent et d'émotion par Haley Joel Osment, que l'on avait déjà pu apprécier dans Sixième sens, où il interprétait un petit garçon apeuré qui avait la faculté de pouvoir voir les fantômes qui vivaient (enfin, façon de dire ) autour de lui. La caméra s'attache beaucoup à lui, à ses yeux bleus et à son visage expressif.
Malgré son fabuleux décor futuriste, le film joue beaucoup plus sur l'émotion et la réflexion que sur les grandes scènes d'action, malgré quelques scènes fortes comme l'étonnante Foire à la chair - tout un programme ! - où, dans une ambiance de cirque, des robots en fin de vie sont détruits par le feu ou par l'acide. Les familiers de l'oeuvre de Collodi retrouveront là des allusions au spectacle de Mangiafuoco où le patron du théâtre veut jeter au feu les vieilles marionnettes de son spectacle et exhibe Pinocchio comme une rareté, une marionnette parlante et chantante. Le pauvre petit David ici sera présenté comme une copie destinée à remplacer un jour tous les enfants de la Terre et manquera d'être dissous.
La quête touchante de David pour devenir un vrai petit garçon le mènera dans des lieux très divers, à la rencontre de personnages soit mécaniques, soit humains bien que ces derniers aient rarement le beau rôle. D'une longueur de presque 2h30, le film n'engendre jamais l'ennui, grâce à la diversité des lieux et des époques. Les changements de style et de visuels sont assez frappants et l'on semble assister à trois films distincts.
I.A est l'adaptation d'une nouvelle de 1969 « Supertoys Last All Summer Long » de Brian Aldiss, auteur renommé d'un grand nombre de romans, nouvelles et poèmes de science fiction. Fasciné par cette nouvelle, Stanley Kubrick désire l'adapter en film dans les années 70 et acquiert alors les droits de l'histoire. Son idée est cependant de faire un David généré par ordinateur au lieu de faire appel à un enfant acteur. La technologie de l'époque ne lui convient pas pour pouvoir réaliser de façon suffisamment réaliste le monde de David.
Il remet en 94 le projet à Spielberg qu'il juge idéal pour adapter la nouvelle d'Aldiss. Steven Spielberg commence à tourner cette adaptation bien plus tard, pris par d'autres projets. Il utilisera un certain nombre de dessins préparatoires fournis par Kubrick et lui dédiera le film - Pour rappel, Stanley Kubrick est décédé en 1999-.
Le film interroge sur plusieurs sujets philosophiques avec un message écologique indéniable sur le futur de l'humanité et un avenir apocalyptique ainsi que sur la responsabilité de l'être humain envers ce qu'il crée.
Enfin, on pourra aussi philosopher longtemps sur le rôle de Monica et ses sentiments, à la fois mère indigne qui sera forcée d'abandonner son enfant mais aussi attachée à David par un lien très fort.
I.A Intelligence artificielle est donc une belle réussite de Spielberg, un film étrange et attachant dont la dimension philosophique peut perturber ceux en attente d'un film de science fiction aux rebondissements multiples et aux effets sonores. Ce ton fait d'ailleurs ressentir de manière encore plus brutale les quelques scènes violentes ou dramatiques du film.
Enfin, il convient de saluer la performance du petit Haley Joel qui tient tout le film sur ses épaules de 12 ans. Un des films les plus poétiques et émouvants de Steven Spielberg.