Steven Spielberg livre ici une grande oeuvre de sciences-fiction en abordant une multitude de sujets à commencer par l’acceptation des intelligences artificielles et leur place parmi les êtres humains. Il s’agit d’une oeuvre d’une grande envergure puisque Spielberg nous plonge dans un monde futuriste et dystopique ou l’humain fasciné par le progrès, le changement et la science va jusqu’à crée un être de fibre et de fil capable de ressentir des sentiments et avoir des souvenirs. Toutefois on arrive très vite dans un basculement sombre et dystopique ou l’homme est à la fois fasciné par sa création tout en ressentant assez vite du dégout et du mépris pour cette dernière .
Très vite on s’aperçoit que l’intelligence artificielle aussi ressemblante soit t-elle à l’être humain, elle reste rejetée par l’homme qui multiplie les actes de cruauté par la simple justification de sa suprématie. L’homme restera toujours supérieur à la machine qu’il a crée ce qui lui donne le droit de détruire et « tuer » en toute impunité et sans le moindre scrupule. La scène du « freak show » fait sombrer l’oeuvre dans un contexte dystopique aux accents totalitarisme et on se retrouve très vite saisi par la violence et la cruauté de la scène.
Paradoxalement ceux qui font le plus preuve d’humanité sont les AI.
Dès lors on le voit très vite puisque le petit David éprouve très vite des sentiments, il va même jusqu’à éprouver le manque de l’être aimé qui le poussera plus tard dans une quête impossible par amour. En effet la fable de Pinnochio est un instant crucial du récit puisque c’est à partir de là que David développera une véritable obsession qui le poussera dans une quête obsessionnelle vouée à l’échec. De l’autre côté nous avons les humains dans un faible échantillon : Monica, Henry et Martin reflet d’une société qui s’émerveille puis qui se lasse, sans le moindre scrupule pour Henry et Martin. Les A.I ont donc bien des sentiments et ne serait-ce pas les sentiments qui font notre humanité? Véritable réflexion tout au long du film qui remet en question beaucoup de choses et notamment notre manière d’accepter la différence.
Finalement dans ce monde futuriste dystopique ou les A.I se font chasser par les humains on a aussi un duo d’acteur qui fonctionne très bien et réussi à atténuer le ton grave en y ajoutant un peu de douceur et de légèreté : Jude Law et Haley Joel Osment. Leur manière de se tenir la main dans un geste de désespoir m’a fait pensé à un passage de Zagig de Voltaire « ( …) On se sent alors entrainé vers un infortuné comme vers son semblable. La joie d’un homme serait une insulte, mais deux malheureux sont comme deux abrisseaux faibles qui, s’appuyant l’un sur l’autre, se fortifient contre l’orage » .
En effet face à la brutalité et la fatalité de leur sort, les deux se trouvent et finissent par entamer une quête en s’apportant un peu de réconfort. Spielberg réussit avec une narration maitrisé et un sens de la précision certain à nous tenir en haleine alors que l’on sait déjà la quête de David comme une peine perdue. Cependant la profondeur des personnages nous poussent à l’empathie et on espère jusqu’au bout un dénouement heureux quand bien même il semble fort peu probable car dès le début du film les personnages sont emprisonné dans une fatalité certaine. Fatalité contrebalancé par des touches de douceurs comme l’amour de Monica pour David ou la relation entre David et Teddy, jouet AI dont la technologie est obsolète et dont plus personne ne veut ainsi que la fraternité entre Joe et David.
De par sa mise en scène sans fautes d’un monde futuriste, on est en immersion totale dans cette oeuvre de science-fiction ou la photographie est aussi réussie que la direction des acteurs. Comme toujours il réussi à nous toucher par la profondeur des personnages et des messages et à faire naitre énormément d’émotions dans différentes parties du film. Spielberg sait mieux que personne crée l’émotion et la faire passer au spectateur que ce soit dans E.T, la liste de Schindler; la guerre des mondes ou ce film, l’émotion est toujours très forte. Finalement la quête impossible dans le seul but de se faire aimer amène d’autre réels questionnements : Les sentiments ne nous rendent t-il pas humains ? La force des liens et du souvenir n’est pas ce qui rend finalement l’humain et l’humanité en son entier éternelle? Questionnement qui déploie toute sa force à la fin du film lorsque les entités de la fin ( quelque soit l’interprétation) essaient de retrouver les vestiges de l’humanité et ce à travers de David qui en a été témoin. Finalement eux-même chassés des années plutôt par les êtres humains cherchent à comprendre leur histoire à travers l’art, la science, la philosophie pour comprendre le sens de la vie. Décrié par beaucoup, il m’apparait comme un final assez grandiose l’apparition de ces entités qui elles-mêmes sont à la recherche d’une communication avec l’ancien monde.
Peut-être que l’acceptation des uns par les autres ne pouvaient que fonctionner par la disparition des uns? La richesse de ce films ne réside pas seulement dans la pluralité de ses sujets mais aussi dans la pluralité des interprétations. Enfin plus poignante encore est la dernière scène ou face à l’éternité des A.I qui ne peuvent mourir on offre un instant d’éphémère éternité à David. Finalement la beauté de la vie ne serait-il pas son caractère éphémère ? Plus encore l’éternité aurait-elle encore un sens si elle n’était pas touchée par le caractère éphémère et donc fatale de ceux qui ont marqué la vie de David? La scène de fin est à la fois poignante et magnifique dans sa dualité entre d’une part l’éternité et l’éphémère qui se rencontrent. Finalement on offre un jour ( donc éphémère) éternel rendant le rêve de notre personnage principal réalité.