Visionné en avant première, le 25 Septembre 2016, en présence du réalisateur et de l'actrice principale, aussi scénariste
On pourrait clairement définir deux parties au film, adaptation plus ou moins libre de l'abstrait et toujours délicat à cinématographier Don Delillo (on se souvient du clivage à propos du Cosmopolis de Cronenberg).
La première, somptueuse, emporte par son esthétique hypnotisante et le jeu puissant des deux comédiens, notamment de Mathieu Amalric, profondément touchant avec sa voix tremblotante et son oeil sombre. Benoît Jacquot livre ici une histoire d'amour sublime, qui semble empunter à Don Delillo sa prose surréaliste (dialogues du quotidien, tout à fait banals, qui, dans les bouches des comédiens et mis ainsiven scène, confèrent aux scènes une allure ambigue tout à fait charmante). Une belle histoire d'amour, nimbée dans les belles lumières de ce décor (quasi) unique naît sous nos yeux.
Avec toujours au loin comme une pointe d'angoisse qui se laisse deviner, et qui se développera plus amplement dans une seconde partie, marquée très tôt par le "suicide de dernière minute" (ce sont les dires du réalisateur) du héros.
Héros qui change alors, et le film, son charme, sa dynamique, avec lui.
Seconde partie rythmée par "l'ombre portée permanente" qu'est la superbe bande originale de Bruno Coulais, dont les violons stridents et les basses profondes rappellent ceux de Hermann dans Psychose, donnant dés lors la véritable ambition du film.
Si la plongée schyzophrénique dans l'âme de cette amante confrontée au deuil (car c'est bien de ça qu'il est question ici, plus que de folie) dont la maison soudain bien vide peut se lire comme une projection et continuation de ses tourments, est evidemment plus absconse et dénote donc violemment d'avec la première (car il faut dire que du charme hypnotique on sombre petit à petit dans l'ennui d'incompréhension), elle n'en demeure pas moins une interessante démonstration d'une mise en scène subtile qui coule de source lorsque le scénario peu conséquent tourne vite à cours.
Interessant mais bien loin d'être mémorable, ce nouveau film de Benoît Jacquot lui permet de se rattraper de son précédent et de délivrer une vibrante conclusion ; que l'art nous sauvera.