Déjà, ça commence plutôt mal, avec une citation de la genèse. Ensuite il y a Schwarzeneger, dont on ne peut pas dire que je sois particulièrement fan. Mais il ne faut pas se fier aux apparences...
On se trouve dans un futur indéterminé, où ta voiture te conduit automatiquement où tu veux, où ton frigo t'annonce qu'il va falloir racheter du lait, où ta petite amie virtuelle est complètement soumise à tes caprices et veut même regarder le match avec toi, où les poupées sont horripilantes et aussi difficiles à faire taire qu'un enfant, où enfin, et là on est au cœur des questions posées par le film, on peut dans la journée se faire cloner à l'identique son animal domestique qui vient de mourir, et pas que le corps, le patrimoine intellectuel est aussi reconstitué, et en plus il est garanti !
Un seul problème pour les apprentis sorciers de l'époque : suite à une expérience malheureuse, le clonage humain a été interdit. Mais tout espoir n'est pas perdu...
Dans ce contexte, Schwarzeneger incarne Adam Gibson (attention, son prénom n'a pas été choisi au hasard), qui n'est pas très chaud vis-à-vis des technologies de clonage : ce n'est pas un résistant militant mais c'est clair d'emblée que ça ne lui plaît pas.
On a là un film qui pose des questions fondamentales au sujet du clonage. Déjà ses attraits : le mythe de la vie éternelle, la possibilité de résoudre la question de la faim dans le monde par exemple en repeuplant les mers de poissons clonés (tiens, ça me rappelle quelque chose, pas toi, José ?). Mais aussi ses difficultés : peut-on cloner quelqu'un à son insu, notamment un mort ?
Surtout A l'aube du sixième jour montre très bien la mécanique qui pourrait finalement, et dans un futur pas si lointain, amener à une autorisation du clonage humain : d'abord, on clone les animaux, notamment les animaux domestiques, ce qui familiarise la population avec la technique et la popularise. Puis on fait de même avec des organes humains pour des raisons thérapeutiques, par exemple pour remplacer un foie cancéreux par un foie sain. Un peu plus tard, la société est prête au clonage humain qui pourrait aussi être utilisé à des fins médicales. Avec des arguments simples mais qui vous touchent forcément quand vous êtes concerné : on peut sauver un enfant qui a un cancer du foie en clonant son foie, pourquoi ne pourrait-on pas cloner un enfant qui a une tumeur au cerveau car on ne peut cloner le cerveau ?
La société décrite dans le film s'inscrit complètement dans le cadre d'un prolongement de notre société consumériste actuelle, où l'on peut tout avoir et instantanément, où on cache de plus en plus la vieillesse et la mort : on entre dans une société démiurgique où même la mort serait en quelque sorte vaincue. On est aussi dans le prolongement de notre société capitaliste, où il y aurait des profits à faire, avec ces nouveaux marchés prometteurs...
Ici, dans le film, les chiens et chats domestiques clonés sont entrés dans les mœurs, ça permet d'éviter des souffrances aux enfants, par exemple, en ne les confrontant pas à la mort. On utilise ainsi le clonage animal pour populariser le clonage humain.
On voit des « résistants » dans ce film, même s'ils sont majoritairement incarnés par des fondamentalistes chrétiens. Mais ils sont trop pacifistes face à la machination. Il leur fallait un homme disons, plus musclé, et vous avez deviné, c'est là qu'intervient celui qui allait devenir trois ans après le film le gouverneur de la Californie.
C'est sûr, pour les scènes d'action, Schwarzy, c'est très bien. Il est vraiment très fort : il survit à une difficile course poursuite, il parvient à sauter d'une falaise d'au moins 30 à 40 mètres de haut et survivre à la chute dans la rivière, il échappe à plein de tueurs, etc. Mais on aurait aussi pu choisir un autre acteur, et apporter plus de sensibilité à ce rôle où on a fabriqué un Adam Gibson trop sûr de lui qui prononce en plus quelques répliques assez nazes. Ce film aurait mérité de vraiment travailler la psychologie de ce personnage en profondeur, mais le choix a été fait de privilégier l'action, ce qui n'est pas forcément désagréable, mais ce qui fait perdre un peu le film en profondeur.
Il y a aussi de l'humour dans ce film, dans certaines scènes de violence, et certains passages sont à voir au second degré. On fait par exemple dire au personnage joué par Schwarzeneger : « Ma fille est de l'autre côté de cette porte. Je ne veux pas l'exposer à un déferlement de violence. Elle en voit assez comme ça dans tous les medias » !
Avec ce film, si ce n'était pas le cas avant, on ne peut qu'être convaincu du caractère néfaste du clonage humain : un Schwarzeneger ça va, deux Schwarzy bonjour les dégâts ! Car évidemment, Adam Gibson va être cloné ! Ce qui donne de multiples possibilités au scenario.
Bref, c'est dans l'ensemble un bon film d'anticipation, surtout la première partie qui aborde les questions fondamentales, tandis que la deuxième est plus classique, avec majoritairement des scènes d'action.