Waouh, quelle performance pour un jeune homme de 24 ans et ceci dés son tout premier film. À l'est d'Eden marque donc les débuts sur grand écran de James Dean, le premier des trois films dans lesquels il joue un rôle majeur, avant que la mort ne survienne à un âge beaucoup trop jeune. Mais le premier à féliciter pour ce film, c'est bien son réalisateur Elia Kazan. Non seulement il adapte et réalise À l'est d'Eden (roman de John Steinbeck), mais en plus il réalise la même année Sur les quais avec Marlon Brando. 1955, ce n’était vraiment pas une mauvaise année pour Elia Kazan, c'est le moins qu'on puisse dire !


Nous sommes en 1917, pendant la première guerre mondiale, juste avant que les Etats-Unis se joignent aux forces alliées pour combattre les allemands en Europe. À l'est d'Eden nous est présenté comme une version moderne de Caïn et Abel, un récit biblique qui voit Caïn, fils aîné d'Adam et Ève, tuer son frère cadet Abel. Ici, le cadet Aron (Richard Davalos) est le bon frère, qui est aimé par son père Adam (Raymond Massey) et par sa petite amie Abra (Julie Harris), tandis que l'ainé Cal (James Dean) est le mauvais frère, qui se sent rejeté par son père. Le petit récit biblique des deux frères, mentionne une offrande qu’ils font à Dieu, puis dit que le frère dont l’offrande n’a pas été acceptée, tue l'autre frère dans un accès de jalousie.


Alors certes, l’offrande de Cal et son rejet par son père, suivent bien le récit biblique de Caïn et Abel ... mais ce n’est qu’une interprétation parmi tant d'autres. La plupart des spectateurs n'y verront qu'une histoire entre le bien et le mal ... et aussi et surtout, une histoire conflictuelle (amour/haine) entre un père et son fils. Moi en tout cas, c'est comme ça que j'ai abordé, vu et littéralement vécu ce magnifique film.


En réalité, le mauvais frère et le bon frère ne sont pas clairement identifiés ici. Cette histoire est inhabituelle du fait que la personnalité de chaque personnage commence dans une direction, puis va dans une autre. Au début du film, Aron est présenté comme "le bon frère" et Cal comme "le mauvais frère", puis au fur et à mesure que le film avance, les rôles se voient presque inversés. Ainsi, Aron devient "le mauvais frère" et Cal "le bon frère". Pareil pour Abra et Adam, ce sont deux personnages bien plus ambigus et complexes qu'ils ne semblent l'être au début du film. Abra est-elle vraiment cette jeune fille pleine de vertu ? Adam préfère-t-il vraiment Aron à son frère ainé ? Hummm, les apparences sont parfois trompeuses.


Très tôt dans le film, Cal nous est présenté comme un perdant, qui plus est, rebelle et immature. Il se rend coupable de plusieurs actes stupides et de vandalisme. C'est aussi un jeune homme solitaire, qui a du mal à communiquer avec les autres et qui a un langage corporel pour le moins étrange. Au fur et à mesure que le film avance, nous voyons en lui un gars au cœur tendre qui, comme nous tous, a besoin d’amour et de reconnaissance. James Dean est juste fabuleux, d'un naturel si convaincant, qu'on se demande s'il ne joue pas son propre rôle à l'écran. Une partie du mérite en revient à Elia Kazan qui exploite au mieux le jeu "imprévisible" du jeune acteur, alors totalement inexpérimenté. Il a vu en lui ce que d'autres n'avaient pas perçu.


Aron quant à lui nous est présenté comme le bon gars, fiable et pondéré. Il croit avoir trouvé le grand amour avec Abra, qu’il prévoit d’épouser très bientôt. Aron a toujours rendu son père fier de lui, ce qui rend Cale jaloux et amer (d’où la comparaison inévitable avec Caïn et Abel). Cependant, dans le dernier tiers du film, la personnalité d’Aron révèle des traits bien plus sombres et égoïstes ... peut-être n'est-il pas (ou plus) si bon que ça, après tout ?


Abra quant à elle nous est présenté comme la jeune fille innocente, une personne douce, souriante et digne de confiance, mais qui finit par s’avérer peu sincère. Elle se dit prête à se marier et amoureuse d’Aron, mais peu à peu on la voit se rapprocher de Cal. Elle ne sait plus si elle doit écouter son cœur (Cal) ou la raison (Aron). Néanmoins, elle sait qu'elle va faire beaucoup du mal autour d'elle en choisissant Cal plutôt qu'Aron, mais c'est plus fort qu'elle ...


Malgré tout, c'est elle qui à la fin du film aide Cal à se réconcilier avec son père mourant. Il n'y a aucune ambiguïté sur le fait que c'est une bonne personne.


Enfin, Adam nous est présenté comme un homme d’affaires plus intéressé par ses inventions, que par son rôle de père. Cependant, nous verrons très vite qu’il n’est pas du tout un mauvais père (encore une inversion des rôles). Ainsi, il est heureux lorsque Cal se montre méritant au travail et est prompt à lui pardonner toutes ses bêtises. Je crois qu'il a juste du mal à exprimer son amour pour Cal, voulant le meilleur pour lui.


J'ai adoré la mise en scène d'Elia Kazan. Il use et abuse (pour mon plus grand plaisir) du plan de caméra désaxé dans les scènes qui voient se confronter les deux frères avec leur père. Comme le fait Orson Welles dans tous ses films, c'est utilisé pour renforcer le malaise et c'est terriblement efficace. Ce procédé disparait seulement vers la fin du film, lorsque Cal affronte finalement ses démons ...


Cal se débarrasse enfin de sa jalousie de toujours envers son frère et accuse son père de le rejeter parce qu’il ressemble trop à sa mère. C’est à ce moment-là que Cal tire un trait sur le passé et devient enfin un homme.


À l'est d'Eden est un film fascinant, avec une étude de personnages tous complexes, qui vous force à la réflexion. C'est le genre de film qui vous hante longtemps après l'avoir vu. Je ne sais pas pourquoi il m’aura fallu attendre si longtemps avant de voir ce film. Je ne l’ai vu qu’une seule fois et je suis tout de suite tombé amoureux du sujet, de son réalisateur et de ses acteurs.

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le 15 août 2022

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lessthantod

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