À la croisée des réalisateurs maladroits, des mauvais scénaristes et acteurs qui n'ont rien à faire
Que dire que dire que dire ? Ah oui, j'ai une idée. C'est quand même un beau massacre et la démonstration par A + B qu'adapter un livre au cinéma est une affaire très complexe. Ceci dit, force est de constater que Chris Weitz et son équipe s'y sont acharnés et ont fait preuve d'une énergie peu commune.
On commencera déjà par les effets spéciaux, dont l'informatisation est tellement évidente qu'elle prête à sourire. Certains jeux-vidéos sont mieux faits et la représentation qu'on pouvait se faire de l'univers décrit par Pullman disparaît sous une décoration souvent excessive, perdant terriblement en sobriété.
Le pire reste à venir à savoir le casting et la mise scène. Le casting est en effet une catastrophe de grande ampleur où seul Daniel Craig s'en tire plus ou moins mais est très mal dirigé. Le reste des acteurs, choisis par on ne sait qui, s'acharne sous une mauvaise direction à retirer toute substance aux personnages. Dédicace spéciale à Eva Green qui tue complètement son rôle, Sam Elliot qui ne parvient pas à faire tenir le rythme a son Lee Scoresby (apparemment il n'y aura pas de suite, ce qui nous évitera l'adaptation de son Alamo, un des plus beaux passages du livre avec les aventures de Will et Lyra au pas des routes goudronnées par dame nature et les batailles contre les anges à la fin), un Ian McKellen qui semble s'être perdu sur le plateau de tournage et naturellement Nicole Kidman qui tente en vain de jouer une caricature de Mme Coulter. Décidément il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.
La mise en scène, naturellement, ne sauve rien (ni le massacre du point central du scénario, mais j'y viendrai plus tard) et nous présente un univers presque gentil, car le but est de tourner un film pour gamins, pour essayer de concurrencer les adaptations clownesques du monde de Narnia ('fin Narnia c'était déjà pour les plus jeunes même si l'adaptation est innocente comme pas deux)... Et de faire pire. Et c'est presque réussi.
Mais rien de tout cela n'égale la destruction presque méthodique du scénario et de ses points fondamentaux. Le premier étant l'artefact clef de toute l'histoire, ramené à une espèce de gadget magique sans intérêt majeur. Le second étant l'enjeu même de toute cette guerre, qui nous est dévoilé aussi subtilement qu'un John Matrix partant délivrer sa fille par... Eva Green. Même au cinéma il y à d'autres manières de charger l'autorité en général (légale, morale et matrimoniale) et l'église ou toute religion organisée en particulier d'une façon plus subtile. En fait Weitz en voulant faire une trilogie a non seulement raté son film mais a plus fusillé la fin de son premier épisode tout simplement en retirant toute potentielle substance aux hypothétiques suites : il a ôté tout intérêt d'en réaliser dans la mesure où il a révélé l'enjeu de toute l'histoire. Bref À la croisée des mondes : La Boussole d'or, ou comment détruire un film en une leçon.