Adapté d'une histoire vraie, le film de Kormakur commence par un plan-séquence (réel ou maquillé ?) emballant : Tami, blessée au fond du bateau qui prend l'eau, regagne le pont, constate les dégâts, appelle Richard qui a disparu emporté par la tempête, avant que la caméra, montant vers le ciel, place l'héroïne du film face au défi qui l'attend : survivre seule au milieu de nulle part. La promesse est belle. Mais le A la dérive prend alors le parti d'un montage parallèle fondé sur des flash-back : entre deux péripéties sur le bateau, Kormakur nous montre l'arrivée de Tami à Tahiti, son histoire d'amour naissante avec Richard puis leur départ pour la Californie (le voyage, financé par leurs amis, doit leur permettre de faire ensuite le tour du monde sur le bateau de Richard). Rien de révolutionnaire dans cette romance, mais Kormakur s'en sort convenablement, bien aidé par Shailene Woodley (remarquée dans le feuilleton Big little lies), excellente du début à la fin. Ces allées et venues permanentes entre passé récent paradisiaque et présent cauchemardesque fonctionnent même parfaitement quand les raccords imbriquent à merveille les événements.
Le problème, c'est qu'à aucun moment le film ne parvient à prendre son envol. Si les enjeux sont clairs (comment survivre au milieu de l'océan ?), il manque au film de Kormakur le petit quelque chose qui lui donnerait de la profondeur. Ne pouvant se placer sur le terrain poétique de L'odyssée de Pi (2012), A la dérive passe également loin du terriblement efficace All is lost (2013) dans lequel Robert Redford, seul au milieu de l'Océan Indien, souffrait le martyr pour gagner quelques minutes de vie supplémentaires. Pourtant, A la dérive ne manque pas de qualités. Visuellement beau, la grande majorité de ses séquences maritimes ont été tournées sur mer (et non devant un fond vert, comme la plupart des productions actuelles), et la scène de la tempête, sans être éblouissante, est saisissante et très réussie. Kormakur donne ainsi une certaine authenticité à son film et ses acteurs convainquent en personnages qui en bavent. Le petit "twist" final (à condition de ne pas l'avoir vu venir) redonne même un coup de fouet à la narration et au drame. Malheureusement, Kormakur, toujours à la limite du ridicule (la bluette carte postale des deux amoureux) et de l'ennui (la survie sur le bateau), semble se répéter. Après s'être fait connaître en 2012 avec Survivre (un marin islandais regagnant la côte à la nage après un naufrage), il a enchaîné en 2015 avec Everest (une ascension qui tourne mal et vire à la course pour la vie). A la fin d'A la dérive, le spectateur a droit aux images des véritables Tami et Richard. Même conclusion que pour Everest qui, lui aussi, quoique de bonne facture, laissait sur sa faim et manquait terriblement de profondeur. Qu'un cinéaste ait des thèmes de prédilection (ici : survivre) n'est pas gênant en soi. Les artistes passent leur vie à brasser leurs obsessions. C'est plus problématique quand cela donne deux fois de suite le même film.