A Man
6.5
A Man

Film de Kei Ishikawa (2022)

Fuir et recommencer, une tentation sociétale

A Man s'ouvre sur un tableau explicite de Magritte, dont on pressent qu'il sera également la conclusion. Le film est un peu mal marketé car il n'est pas vraiment question de thriller ou de romance ici, c'est pour moi un drame sensible. A partir du phénomène des « évaporés » (jōhatsu en japonais), il aborde une large palette de thématiques sociétales, en particulier le poids de la filiation et de la question des origines.

Le point de départ est la rencontre de Daisuke et Rie, deux âmes un peu vulnérables qui vont construire ensemble une vie heureuse. Le décès accidentel de Daisuke révèle qu'il est quelqu'un d'autre et déclenche une enquête acharnée de la part d'Akira Kido l'avocat de Rie. Très vite le film parle tout autant de Daisuke que d'Akira, et sa recherche devient un point d'observation de la société nippone contemporaine. Il observe ainsi la montée d’un racisme décomplexé, le renvoi permanent et stigmatisant à ses origines sud-coréennes, l'influence écrasante du patronyme et de l'appartenance, les préjugés transmis sur plusieurs générations ou enfin la difficulté à se sentir chez soi quelque part.

A Man est un film où s'exprime une violence sociale majoritairement sourde et parfois littéralement hurlée. C'est un film sur l'identité mais surtout sur une quête d'émancipation d'une identité préconstruite et d’une société encore très conservatrice. C'est cet arrière-plan et ce contexte sociétal qui captive, bien plus que chercher à déterminer qui était véritablement Daisuke. De la même manière, au sein d'une mise en scène souvent en plan moyen, au bord de l'intime, surgissent çà et là des plans très intenses : reflet dans une flaque, décadrage au-dessus d'une épaule, tunnel de prison interminable ou encore un plan qui s'étire sur un reflet flou malaisant dans la télévision.

L'interprétation est également assez subtile et on ressent la difficulté que peuvent avoir les Japonais à exprimer le fond de leurs pensées et leurs sentiments. Il y a une véritable retenue à se révéler pleinement et une forme de besoin de rester dans une apparence prédéfinie. Le film n'évite pas quelques petits surjeus par endroits, mais cela s'intègre plutôt bien. Le final est doux-amer et transmet à la fois un soulagement et une forme de résignation.

AlicePerron1
8
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le 10 févr. 2024

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Alice Perron

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