À plein temps par Prince-Mychkine

Ce film est aussi génial qu'insoutenable. C'est typiquement le genre de film que j'aime aller voir au cinéma à sa sortie, déjà parce qu'un tel film gagne à être vu sur grand écran dans le noir, mais aussi et surtout parce que je suis contente de l'avoir vu une fois mais que je ne suis vraiment pas sûre d'être capable de le revoir un jour.

Dès les premières minutes, j'ai senti que j'allais à la fois aimer et subir le film. Du réveil qui sonne très tôt le matin, jusqu'au coucher tard le soir, on suit Julie dans son quotidien, pendant environ une semaine de sa vie. Julie est dans une tranche de vie très difficile : elle a un master d'économie mais travaille comme femme de chambre dans un Palace parisien et se démène pour passer des entretiens pour des postes de chargée d'études, elle a deux enfants de moins de 10 ans mais est séparée de son ex-compagnon qui est injoignable et tarde à envoyer la pension, elle a des soucis de fric et ne sait plus comment gérer la banque qui appelle tous les jours, elle habite à la campagne et doit faire les allers-retours à Paris au quotidien, elle doit trouver une nouvelle solution de garde pour ses enfants car sa nounou souhaite bientôt arrêter de les garder… Bref, de base la situation est déjà plus que compliquée, mais en pleine grève des transports, c'est totalement ingérable.

J'ai été marquée par le réalisme du film : toutes les scènes sont juste hyper réalistes, tant sur le plan des faits que sur le plan des émotions. Ça vient du scénario d'une part, qui est parfaitement écrit, et de l'actrice principale d'autre part. Laure Calamy est vraiment exceptionnelle dans son rôle, elle ne nous laisse pas d'autre choix que de tout vivre avec elle. L'usage de la musique est extrêmement bien géré aussi : cette musique haletante prend aux tripes, nous empêche d'avoir le moindre répit, exactement comme Julie. J'ai été happée par ce tourbillon, j'avais la poitrine serrée, j'oubliais que j'étais au cinéma.

J'aime bien le fait qu'au-delà d'être un film sur la violence sociale, c'est aussi un film sur une femme méga forte. Et ce n'est pas exceptionnel du tout, c'est réaliste : des femmes seules avec enfants qui se démènent du matin au soir, il y en a des tonnes (et d'ailleurs des nanas en couple avec enfants mais dont les conjoints ne font pas grand-chose pour le foyer aussi…). Julie ne lâche jamais, trouve des solutions à tout, fait du stop, loue une camionnette, monte un trampoline seule en pleine nuit pour l'anniversaire de son fils le lendemain, travaille le midi ou même la nuit quand il faut, trouve un petit hôtel miteux quand il est impossible de rentrer chez elle… Le film nous fait ressentir de l'angoisse et de la peine, mais aussi une très grande admiration. Je précise que ça aurait été aussi totalement ok qu'elle baisse les bras - plusieurs scénarios auraient été possibles et réalistes - mais en tout cas le choix fait ici est intéressant et très bien développé.

La fin est très forte, j'ai pleuré avec elle : mes émotions étaient totalement au diapason, donc je les ai relâchées en même temps qu'elle.

C'était un très bon film, je recommande d'aller le voir, mais attention à être émotionnellement prêt toutefois.