Du petit matin à tard le soir, Julie, l'héroïne de A plein temps, ne cesse de courir. C'est le prix à payer pour quelqu'un qui a choisi de vivre à la campagne, mère séparée avec enfants, et qui travaille à Paris. Le film frappe par son réalisme et son rythme haletant, d'une gare à une autre, jusqu'au palace où Julie officie comme première femme de chambre. Ce pourrait être du Loach ou du Dardenne mais en plus accéléré, sur un mode du thriller social où le véritable suspense réside dans le moment où le stress va faire tomber son personnage principal, à force de tensions de toutes sortes, familiale, organisationnelle et professionnelle. Tout travail mérite galère et de ce côté-là Julie est servie, en pleine grève des transports qui accentue encore la pression sur ses épaules. Le film est maîtrisé et sans temps morts (les grincheux qui déplorent la supposée lenteur récurrente des productions françaises ne pourront pas se plaindre, cette fois-ci). A travers un destin individuel, le réalisateur Eric Gravel pointe aussi du doigt la violence sociale du monde d'aujourd'hui au point qu'à la crise physique et mentale de Julie répond celle de toute une organisation du travail fondée sur le rendement et la performance. Quasiment de tous les plans, Laure Calamy apporte de la lumière dans ce rôle de femme usée au bord de l'implosion. Elle est formidable. A remarquer aussi : la musique oppressante du film qui ne laisse aucun instant de répit ni de tranquillité. Sur la brèche et au bord de la stridence, toujours.