Drapeau rouge, baignade interdite

Asghar Farhadi fait partie de cette catégorie de réalisateurs qui arrivent à développer des intrigues simples, des drames humains qui, dans les mains de n'importe qui d'autres, donneraient des films lambdas dignes de passer sur M6 un mardi aprèm. Mais le bonhomme arrive à me fasciner grâce à des sujets renforcés par l'ultra-réalisme des situations: le traitement des mœurs dans l'Iran actuelle, la fracturation du couple, un rythme haletant qui laisse toujours place à des révélations sur des détails concernant des objets du quotidien et qui révèlent une profondeur humaine intense et des motivations justifiées. La morale est brouillée et je me retrouve souvent aussi confus que les personnages de ses films qui doivent faire face à une situation aux frontière de la morale, le plus souvent un dilemme impliquant l'éclatement du couple.

Sepideh et son groupe de 7 amis partent en vacances près de la mer pour un week-end de 3 jours. Elly, étrangère au groupe, est invitée afin de rencontrer Ahmad. Une bonne ambiance s'installe mais Elly reste en retrait, entre rires, danses, et un emménagement laborieux dans une maison décrépie au bord de la mer. Le dépouillement rapproche le groupe et leur fait passer un bon moment. Les décisions sont prises à la majorité et l'entente règne. Tout bascule à la suite de la disparition d'Elly, qui surveillait les enfants à la plage. Les enfants appellent les adultes quand l'un d'eux disparaît dans l'eau, le changement de ton est brutal et la caméra à l'épaule faisant parfaitement ressentir la panique, on sauve l'enfant de justesse. Mais Elly a disparut, on ne sait pas si elle est partie ou si elle s'est noyée en voulant sauver l'enfant...

Tout le film tourne donc autour de cette question dont l’ambiguïté place l'idée que le groupe se fait d'Elly d'un extrême à l'autre. A-t-elle agis héroïquement en se jetant à la mer ? Ou est-elle partie durant la surveillance des enfants, et, dans ce cas, est responsable de l'incident ? La confusion issue de ce questionnement va pousser le groupe dans leurs retranchement les plus profonds, la maison de vacance décrépie laisse passer le froid du vent marin, qui rend malade Sepideh et d'autres membres du groupe. On les voit tousser, leurs yeux se cerner, tandis que l'affaiblissement psychologique et le manque de sommeil les poussent vers leurs extrêmes. La vérité n'est pas si simple et c'est ainsi par couches successives que Sepideh révèle le pourquoi de la présence d'Elly, et la raison de sa réticence à s'intégrer.

Asghar Farhadi arrive à pousser ses personnages dans leurs derniers retranchements pour nous faire réfléchir sur la morale humaine. L'honneur et la pression du regard des autres, très importants encore aujourd'hui en Iran sont également traités. A propos d'Elly est un film qui ne laisse pas le temps de souffler, où un vent de doute et de malaise s'abat sur cette villa de vacances et ne laisse aucun répit. Un drame humain sur le regret, l'acte manqué, la question de la responsabilité, le destin et la lassitude d'un attachement non réciproque dans un couple. Ahmad affirmant qu'il vaut mieux une fin amère qu'une amertume sans fin, jusqu'à un final pessimiste et sans concessions.