Dans A Real Pain, Jesse Eisenberg propose un road movie postmoderne qui, sous des allures faussement légères, offre de profondes réflexions. Ici, le voyage de deux cousins américains vers la Pologne, terre de leurs ancêtres marquée par les cicatrices de la Shoah, déjoue les attentes d’un récit solennel en optant pour une hybridité à la lisière du drame et de la comédie, de l’intime et de l’historique.
Eisenberg ne cherche pas tant à délivrer des réponses qu’à ouvrir des failles. Le titre, déjà, ouvre une réflexion. Là où certains films se risquent à la didactique, A Real Pain embrasse toutes les contradictions.
Le film agit comme un catalyseur d'idées, une matrice ouverte, décomposant des concepts complexes et intangibles comme la transmission du trauma, l'immatérialité des souvenirs et la quête de sens dans un monde post-tragédie. Cette richesse thématique offre une réflexion d'une densité qui dépasse les limites du récit lui-même, invitant à une méditation prolongée après le visionnage. Le film n’impose pas de lecture unique : il refuse les arcs narratifs parfaitement bouclés et les solutions définitives, préférant laisser ses personnages et ses spectateurs dans un état de trouble.
Cependant, cette richesse intellectuelle peut parfois surpasser la forme narrative ou stylistique du film. Si l'écriture ou la réalisation me semble moins inspirée, c'est parce qu'elle sert avant tout de véhicule pour ces idées, sans chercher à les égaler par une grammaire de cinéma. En ce sens, A Real Pain devient une œuvre où le message dépasse le médium : un film dont la force réside davantage dans ce qu'il fait émerger chez son spectateur que dans ce qu'il propose visuellement ou narrativement.
En fin de compte, ce n’est pas tant ce que le film montre qui séduit, mais ce qu’il inspire à penser.