"A Serious Man" a semblé à sa sortie un sérieux pas de côté, et peut-être en avant, pour les frères Coen, de par la singularité de son thème, clairement très personnel (la culture juive, observée ici avec une "profondeur" qui laisse forcément les goys sur le bord du chemin), comme de par son formalisme à la fois impeccable (l'uniformité quasi doucereuse du ton n'est jamais remise en question, même alors que le désastre absolu est imminent) et prodigieusement abstrait. Si le film est très drôle, on a souvent néanmoins le sentiment trouble que cette drôlerie nous échappe, voire reste inatteignable.
Curieusement à équidistance des réflexions glaçantes sur le Mal ("No Country for Old Men") et des farces grinçantes ("Burn after Reading") des Frères Coen, "A Serious Man" est un film dont on savoure à chaque instant l'intelligence formelle réellement "supérieure" : combien de films chaque année sont aussi bien écrits, filmés, montés, dirigés ? Pourtant, il reste en nous, et c'est heureux, un fond de perplexité sur ce dont Joel et Ethan veulent nous parler : Dieu n'existe pas ? Dieu existe mais est sadique ? Les juifs et leur culture ne peuvent pas sortir indemnes de siècles de persécution ? Vive les années 70, la dope et le Jefferson Airplane ?... Un peu de tout cela à la fois, certainement...
… et ce n'est pas la manière ahurissante dont se conclut film, juste avant que la main de Dieu ne s'abatte lourdement sur tous, qui risque de rasséréner le spectateur déboussolé !
[Critique écrite en 2010, remise en forme en 2018]