Il y a d'un côté un film qui nous fait voir une lutte légitime à bout de souffle, celle du FLNC, mais rend aussi compte du patriarcat au sein du militantisme corse et la place des femmes dans ce dernier (sont-elles condamnées et réduites à n'être que des veuves noires ? "On est là pour vous servir le café" ou "À moi aussi il s'est engagé"). C'est un film qui questionne la pertinence de la violence et de la radicalité des modes d'action ainsi que le rôle de l'institution versus la fascination de la lutte armée, notamment dans cette superbe scène de classe d'école. Un film sur les dérives du fétichisme de la figure militante et sur son auto enfermement. Sur la déchéance d'un mouvement de libération qui se mord la queue. Entre autre.


Et puis un autre volet qui s'attarde sur le travail en lui-même d'Antonia, photographe pour Corse-Matin qui cherche un sens à son travail. À travers son parcours plusieurs questions sont posées. Quelle est la limite de la mise en image du récit sensationnaliste ? Peut-on réellement "montrer autre chose" des zones d'affrontements ? Vaut-il mieux ne rien montrer ? Faut-il photographier la violence ou déplacer le regard ? Où se place la limite de la moralité et de l'éthique dans ce métier ? Photographier un mouvement armé participe-t-il à sa romantisation ? Immortalise-t-on en photographiant ou mettons nous à mort un instant ?

Toutes ces questions se posent au regard du personnage principal mais posent également une seconde lecture sur l'objectif de Thierry de Peretti lui-même, celui de créer une œuvre sur l'histoire corse.


La forme n'est pas sans reste, des plans très larges, souvent peuplés, avec une quasi absence de plans serrés, une réduction maximale des coupes que ce soit de l'image ou du son (on pense à la très belle scène sur les bérus). Et un plan de voiture en Yougoslavie qui restera un petit bout de temps.

Marine_Blanchet
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le 30 janv. 2025

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Classis _

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