L'affiche est à l'image du film, riche, belle, porteuse de sens.

Pas évidente cette critique à chaud…

Beaucoup de choses à dire, de réflexions qui se poursuivent.


Et pourtant il faut coucher sur le clavier les impressions rapidement, parce que, commençons par le plus simple :


Ce film est d’une densité folle.


Une seule histoire qui réussit l’exploit d’inclure un nombre de thèmes, de variations, de nouveautés.

Une série médiocre (qui a dit donc « une série classique quoi » ?) aurait eu besoin d’au moins 2 saisons d’une vingtaine d'heures pour aborder tout ça.


Là, il suffit de quelques plans, d’une caméra qui ne bouge pas tant que ça, pour que les choses apparaissent.


Et ça, c’est dit au bout de 5 minutes.


Quand après un plan d’introduction qui nous montre l’époque (de façon hyper simple : un téléphone portable non-intelligent. Objet qui aura eu une durée de vie assez courte en réalité.)


Puis on va nous parler de photos, d’images.


Et surtout, on ne va pas nous raconter l’histoire de cette femme que l’on voit sur l’affiche, dans les bandes annonces, vu ce qui lui arrive.


Et ça tout de suite, ça intrigue.

« C’est pas elle la personnage principale qu’on a vu partout ? »


Et tout de suite je me suis dit « Mais alors, de quoi vas-tu nous parler, film ? » (Ouais, on s’est tout de suite tutoyé, entre nous pas de chichis).


Bah non, le film il va suivre Antonia comme un fil rouge, comme d’une guide.


C’est elle qui va nous dévoiler ce que le réalisateur veut nous montrer, ce dont il veut nous parler.


Bref, c’est elle qui va faire défiler les images, en bonne photographe.


« Ah ça va parler du FLNC… Blablabla, ça se croit fort, ça met des cagoules, ça tue quelques personnes, ça va en prison, et ça finit par mourir…

Mais on a déjà vu ça »


Et… Ben non justement. Le film est bien plus malin que ça.


Allez je fais une liste des autres sujets qui me viennent à chaud : Yougoslavie, évènements historiques, avortement, le sacrifice pour la cause, les femmes qui restent, les enfants qui naissent, l’arbitraire des images, le ridicule du journalisme, les parents qui souffrent…


Un de ceux qui m’aura le plus marqué : La force de ces femmes, qui subissent ces élans de vie gaspillés par ces jeunes hommes qui croient s’élever par la défense d’une cause.


Avec plusieurs tonalités : Celle qui souffre en silence, celle qui abandonne malgré l’amour, celle qui accompagne dans l’abandon de la lutte.


Qu’elles sont fortes nos 3 héroïnes.


Et pourtant elles ne sont jamais au centre, elles ne prennent pas plus la parole que les hommes.

Elles ne sont pas figurées en dominantes à la place des dominants. On est pas chez Disney, ici on fait de la subtilité, on fait du réel, on fait du cinéma.


Elles rayonnent dans leur intelligence, dans leur simplicité, dans leur envie d’explorer, tout en restant des mortelles qui font comme nous toutes et tous en ce bas monde. Elles font ce qu’elles peuvent.


Je pense à cette accélération vers la fin du film, digne d’un bon vieux règlement de compte d’un Scorcese.


Et bah ce moment est immédiatement repris par nos femmes, qui se retrouvent et continuent d’avancer. Ces femmes que papy Scorcese a toujours largement dédaigné, préfèrent nos bons vieux mafiosots, qui « ont vraiment la classe », mais ne se demanderont que trop rarement quelles familles ils laissent derrière eux, quand ils exécutent, ou quand ils meurent.


Mais donc ce film c’est aussi notre photographe qui réinterrogera sans cesse son (et donc notre) rapport à la photo.


Ainsi donc ce questionnement qui me revient régulièrement sur l’intérêt de produire des photos, déjà vues, déjà prises, par tant d’autres, était déjà là avant le numérique, les téléphones, et le déferlement des images du 21ème siècle… Comme c’est intéressant !


Ce sont ces petits hommes qui, une fois n’est pas coutume, se laissent berner par des idéaux qui les dépassent complètement, et en oublient la recherche de la joie, perdus qu’ils sont dans la complexité des structures, qu’aucun d’entre eux ne saurait appréhender.


Ce film c’est aussi une excursion soudaine à l’étranger, dans une autre partie de l’Europe, où d’autres choses se jouent.


Ou alors c’est exactement la même chose, qui se joue.


Une vérité que tout le monde tient pour acquise, qu’Antonia, incapable de sortir sur des images, comprendra que comme la cuillère, elle n’existe pas.


Et c’est l’évident parfum de mort, qui contamine tout. Chaque plan, chaque scène, tout est, dès la 5ème minute, envahi par l’odeur âcre de la mort. Inéluctable.

Boulloche
9
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le 22 sept. 2024

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