L’amour fou versus l’amour ouf

Mon petit doigt (toujours très bien informé) m’a parlé de The Grand Tour, sorti aujourd’hui dans les salles, et qui serait un petit bijou.

Alors ne connaissant son réalisateur, Miguel Gomes, ni de nom ni d’Adam, ben autant aller à sa rencontre, en commençant par son film le plus connu : Tabou.

C’est sûr qu’après Juré N°2 et The Substance, moi qui ralaît de l’absence de subtilité, j’ai été servi.

Et il m’aura démontré que même si la tentation est grande de “vouloir se vider la tête” après une longue et dure journée de taff devant une plateforme de streaming random (il suffit d’arrêter de leur donner de l’argent) et un contenu oublié dans la nuit (il suffit d’arrêter les séries et les films de Gilles Lellouche), qui ne sert qu’à vous ramener au travail le lendemain sans avoir ressenti grand chose, aller chercher quelque chose de différent, c’est effectivement inconfortable, mais ça marque.

Et plutôt deux fois qu’une.

Donc Tabou. Je me disais allez, ça va être un petit film d’auteur, bon je viens de me faire Trauque Lauquen, ça peut pas être plus….
Ben si, c’est clairement plus radical.
Et on aime ça, nom de Zeus !!

On part sur du noir et blanc, deux parties dans le film, la seconde partie sans dialogues, uniquement contée par un vieil homme qui revisite son passé, avec quelques bruits de nature.

Et ben c’est là qu’on se rend compte que ces dialogues, finalement sont-ils bien nécessaires ? Ben pas spécialement, quand la mise en scène et l’ensemble sont au service de l'œuvre, notre petit cerveau, qui même encombré de frivolités professionnelles et questionnements existentiels (la vie ? l’univers ? le je ? l’autre ?), il s’en sort parfaitement pour comprendre ce que vivent ces personnages, dans toute leur complexité d’affects contradictoires.

Une première partie de film qui vient toucher très profondément le naufrage de la fin de vie. Ça veut dire quoi très concrètement de perdre la tête ? De côtoyer une personne sur ce dernier voyage ? Sans faire de grands plans interminables hein, juste dans des petites scènes qui durent juste le temps qu’il faut. On assiste à ces dérèglements de la fin, le temps de bien saisir ce qu’il se passe pour ce corps qui en termine.
Et quand on se dit qu’on a fait le tour, plutôt que de durer encore 2h, le film, intelligemment, passe à complètement autre chose.

On rembobine, et on regarde un moment de la jeunesse de cette femme qui vient de nous quitter.
La naissance de son enfant si absente de cette première partie car plus là, si absente de la seconde car pas encore là.

Et là c’est une masterclass sur un amour fou. (C’est la dernière cartouche, promis j’arrête après, je vide mon pistolet)

Prenez la sur-expression, ces couleurs ultra saturées, ce déferlement de musiques des années 80, ces dialogues sur-joués, sur-signifiants, cette indigne pseudo-dignité des classes populaires “Regardez comme ils sont dignes nos prolos. En plus ils sont fiers d’eux, ils ont pas envie de ces trucs de riches et de notre vie décadente. Ils restent à leur place”.
On appelle ça du bourgeois gaze (A découvrir dans Frustration Magazine).

Bref vous prenez tout ça, vous inversez absolument tout, en ne gardant que le thème central, l’amour impossible.
Et vous avez la seconde partie de Tabou.

Le tout entre deux plantations où l’on voit en arrière-plan se dessiner des populations autochtones colonisées.
Cela tisse de façon un peu plus subtile et légère que certains films récents anti-esclavage récent, même si “The D is silent” reste très jouissif (il ne sera pas cancel par ici en tout cas).

C’était tellement vrai et touchant que certaines ressemblances avec des situations de vie entrevues m’ont parfois… Bref.

Bon ben c’est confirmé, c’est du lourd le Miguel, y’a plus qu’à aller voir The Grand Tour au cinoche, avec boulloche tant qu’à faire, c’est encore meilleur.

Boulloche
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le 28 nov. 2024

Boulloche

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