Après sa biographie du quatorzième dalaï-lama Kundun, Martin Scorsese quitte le Tibet et revient à son premier amour : New-York. New-York et ses rues sales, ses piétons dégueulasses, ses putes, ses junkies, ses victimes. Tout comme Taxi Driver, À tombeau ouvert suit les nuits d'un voiturier et s'il n'est pas chauffeur de taxi comme Travis Bickle mais ambulancier, Frank est également un être nocturne, torturé par son passé, écœuré par la décadence de sa ville, tentant maladroitement d'en rétablir l'ordre comme il peut.
Frank, c'est l'alter ego de Travis Bickle : quasiment insomniaque, presque alcoolique, travaillant dans un emploi qu'il déteste, il contemple en vain la décadence, tentant d'aider son prochain. La seule différence est que Frank ne tue pas des vies, il les sauve. À travers cette adaptation du premier roman de l'ancien scénariste des 60s Joe Connelly, Martin Scorsese dépeint une fois de plus la déchéance de sa ville natale comme il sait si bien le faire. Son héros noctambule, incarné avec précision par un Nicolas Cage aussi survolté qu'éreinté par son travail, vit en seulement trois nuits un véritable enfer terrestre.
Épaulé tour à tour par des équipiers atypiques (John Goodman le rêveur incompétent, Ving Rhames le baratineur chrétien et Tom Sizemore l'ancien soldat déluré), il va essayer de vaincre ses démons intérieurs, sauver des vies humaines et s'attacher à la fille d'un patient, une ex-toxicomane interprétée par la trop rare Patricia Arquette. Une œuvre sordide, poétique et mélancolique, à la limite du réalisme et de l'onirisme. Un film noir baignant dans un message religieux parfaitement mis en scène par un Martin Scorsese bien inspiré. Une œuvre à part dans sa filmographie à voir absolument.