A touch of sin est le troisième film que je vois de Jia Zhangke et c'est vraiment pas mal du tout. Il s'agit ici d'un film choral retraçant différents destins, tous violents, tous tragiques, dans différents endroits de la Chine. Le but du film est de montrer à quel point la situation en Chine devient de plus en plus violente et on peut y voir une dénonciation évidente des pratiques antisociales, inhumaines.
Déjà il faut reconnaître à Jia Zhangke un talent fou pour la mise en scène, il sait produire de belles et des belles images avec des choses pas forcément belles, des routes, des environnements ouvriers assez clos, des villes enfumées par la pollution. Mais là où il est le meilleur c'est pour faire ressortir la violence. Il filme ce qui pourrait être le quotidien, la routine et puis quelque chose dérape, il y a un déclic et là, soudain, avec un ton quasiment naturaliste, surgit la violence, radicale, courte, brève, mais surtout extrêmement sèche. Le spectateur est marqué, choqué, sursaute... Le message du film est passé.
La construction des scènes de violence est excellente, jamais gratuite, on sent la tension qui monte, si on n'a jamais la raison écrite noire sur blanc, on a des éléments de réponse, on se doute que tel ou tel facteur a pu jouer dans la décision des personnages de faire corps avec la violence... Le fait de n'avoir que des éléments de réponse et pas les réponses toutes faites pousse forcément à la réflexion sur cette société chinoise...
Cependant le film est un peu long et le lien entre les différents segments n'est pas forcément explicite, il y a des personnages que j'ai reconnu d'une histoire à l'autre, mais il y a aussi des histoires qui m'ont semblé totalement indépendantes... Ce qui a pour effet de perdre un peu le spectateur... Reste que si la fin m'a semblé bien obscure également, toutes les histoires sont intéressantes et bien menée, même si je garde une préférence pour la première pour son héros charismatique, désabusé, dépité, mais qui a un vrai désir de justice sociale.
Il faut également noter que le côté réaliste du film vient peut-être également du fait que le réalisateur se soit inspiré de faits divers chinois, ce qui ne fait encore une fois qu'ancrer encore plus le film dans le réel et décuple ainsi son message. D'ailleurs pour avoir été en Chine il y a quelques mois, il a vraiment réussi à retranscrire le fait que ce pays est à la fois partagé entre son histoire plurimillénaire et ses bâtiments somptueux et ses bâtisses modernes, informes, noyées dans le brouillard de pollution... Il n'a pas cherché à embellir le réel, certes ses plans sont soignés, mais il n'y a pas de triche... La Chine ressemble vraiment à ça... pour le meilleur et surtout le pire.
En ancrant alors ainsi localement ses intrigues, en traitant de problème aussi particuliers, Jia Zhangke arrive finalement à faire ce que tout bon réalisateur se doit de faire : toucher quelque chose d'universel.