A Touch of Sin par Léopold Pasquier
Inquiété par plusieurs faits divers, Jia Zhang Ke interroge son cinéma sur un possible recours à la violence. Retour logique à la fiction après son récent crochet par le (semi) documentaire.
Du documentaire, JZK conserve le portrait choral (A Touch Of Sin se compose de quatre segments, quatre variations sur un même sujet). Cette pluralité c'est la Chine d'aujourd'hui dont les contrastes grandissants obligent le cinéaste à élargir constamment son cadre. La caméra balaye ainsi la Chine du nord au sud, filmant ses protagonistes comme autant de nuances nécessaires. En ça, le cinéma de JZK ressemble de plus en plus à son programme: faire tenir la Chine entière dans un film. On appréhende le débordement.
Pour en venir au sujet, on s'explique difficilement la brutalité aguicheuse qui traverse le film. Deux hypothèses: Ou bien A Touch Of Sin est un acte politique raté, Ou alors il s'agit ici de contester une vulgarité -celle d'un développement économique fulgurant- par une autre. Une scène illustre l'idée: une prostituée, giflée par une liasse de billets taillade le client d'un coup de couteau. L'image, puissante et vulgaire -type Refn disons- raconte moins la justice rendue aux plus faibles qu'un pays obnubilé par ses fantasmes minables de pognon et de violence. Un tel cynisme venant de l'auteur de Platform peut déconcerter.
Mais c'est aussi parce que son cinéma épouse la morphologie changeante de son pays que Jia Zhang Ke en est le plus important cinéaste. Parce que lui mieux que quiconque parvient à sonder ce vaste chantier pour en dresser la topographie mouvante. Et si la violence tape à l’œil d'A Touch Of Sin est à déplorer, c'est d’abord sur ce qu'elle révèle de la Chine actuelle: ce qu'il reste d'horizon pour de nombreux Chinois blessés dans leur dignité.