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Mince, me voilà bien embêté. Je pensais trouver dans A Touch of Zen un aboutissement des pistes ouvertes dans Dragon Inn, et voilà que je lui préfère de loin ce dernier. King Hu a pourtant mis les bouchées doubles, multipliant les décors, les combats… et la durée.
Car c’est bien là que le bât blesse. Il faut près d’une heure d’introduction avant que le film ne débute réellement. Une heure qui semble complètement détachée du reste de l’oeuvre, instaurant une ambiance de film policier sur fond de surnaturel, un épisode de Scooby-Doo en Chine féodale (en plus léché évidemment), sans pour autant apporter la moindre miette de fil narratif qui accroche, créer le moindre attachement aux personnages, ou distribuer la moindre tatane. Une heure suffisante pour que je décroche complètement et ne soit plus disponible pour apprécier les deux restantes.
Car il y a objectivement bien des choses à se mettre sous la dent par la suite. Si A Touch of Zen ne raconte in fine pas grand chose, si ce n’est que King Hu n’aime pas les eunuques de jadis, il utilise tout de même le pouvoir de la superstition intelligemment en le retournant contre les antagonistes via ce héros qui ne combat pas mais use de la stratégie. Si l’on manipule le peuple, et donc les hommes de main, avec des boniments religieux, alors celui-ci est évidemment enclin à abandonner sa tâche subordonnée si les signes le demandent.
Et l'œuvre se pare d’une beauté formelle indéniable. La place est accordée à la nature, magnifiée par un éclairage qui figure les états d’esprits plutôt que le réel, créant un second soleil pour éblouir l’ignorant. Les contrées fantastiques du film, issues d’images de Taiwan, sont sans doute son plus gros atout et permettent de renouveler l’intérêt par la variété des paysages qui serviront d’arènes de combat : demeure marécageuse qui invite à la duperie, désert hallucinatoire, bambouseraie onirique et lit de rivière rocheux.
Quant aux joutes en elles-mêmes, elles sont toujours aussi dynamiques grâce au savoir-faire du cinéaste qui accompagne les mouvements de sa caméra, tandis que des traces de l’influence de Leone subsistent dans l’étirement de la tension et l’appui des regards.
Tout cela je l’ai vu, mais en étant extérieur au film. Il m’a laissé sur la touche par une introduction à la durée rédhibitoire, et n’a jamais réussi à me faire réintégrer le récit, comptant alors les minutes dans ce qui est ma plus grande torture de cinéphile. Il faudra sans doute que je lui laisse une seconde chance, mais vu la pénibilité que m’a laissé cette première incursion, ce sera sans doute dans longtemps.
Le film a connu une douzaine de versions, toutes tronquées de dizaines de minutes, lors de ses multiples sorties en Asie. Peut-être que l'une d'entre elles correspondrait mieux à mon appétence rythmique.