La séance avait pourtant exécrablement commencé. Le film débute, et la vieille sorcière assise seule au premier rang continue sa partie de Candy Crush, luminosité de son téléphone poussée au maximum, écran bien haut devant les yeux. Elle termine sa partie, et en démarre une autre. Puis une autre. Dans la salle, quelques protestations se font entendre, mais la bonne femme doit être sourde. En tout cas quand ça l’arrange. Je commence à être excédé : impossible de suivre le film avec cette tâche lumineuse dans mon champ de vision. Je me lève et descends m’assoir à côté d’elle. Je lui suggère, poliment mais fermement, d’aller terminer sa partie à l’extérieur de la salle. Elle me sort son regard faussement ahuri, proteste, mais devant mon air insistant range finalement son portable. Le cinéma, ça devrait être comme au casino : certains abrutis devraient s’y voir interdire l’accès. Je remonte à mon siège, j’ai le sang bouillant. Il va falloir que je me calme et me concentre sur le film.

A l’écran, Pio Marmaï s’est déjà glissé clandestinement dans un sous-marin nucléaire. J’ai raté toute l’exposition. J’ai vaguement capté qu’il incarnait un steward de vols longs courriers porté sur la blagounette, qu’il avait rencontré lors d’une escale la jeune Marianne, officier de la marine qui lui a littéralement sauté dessus, qu’elle a dû partir en mission secrète avant qu’ils aient pu terminer leur affaire, et que dans la précipitation du départ elle a laissé tomber un médaillon. Celui-là même que notre grand benêt tente de lui rapporter en s’embarquant à bord du sous-marin.

A Toute Allure est le second long métrage de Lucas Bernard, 5 ans après Un Beau Voyou. C’est d’ailleurs lors de la prépa de son premier film que son producteur, Florian Môle, lui souffle l’idée d’une comédie romantique autour d’une hôtesse de l’air et d’un officier de sous-marin. A la suite du Beau Voyou, l’idée germe progressivement et les rôles des deux protagonistes s’inversent.

A Toute Allure est une comédie qui ne fait pas dans la finesse, mais évite l’écueil qui aurait été de tomber de la beauferie. Imaginer Jonathan Cohen ou Christian Clavier à la place de Pio Marmaï, et le film aurait donné des boutons. L’équilibre humoristique repose en effet en grande partie sur le capital sympathie de Pio, ce bon vivant blagueur, un peu balourd mais attachant, un genre d’OSS actuel. Oui, Pio Marmaï est l’un de mes acteurs français préférés. Lucas Bernard est très enthousiaste sur son compte : « "Pio a ce truc qui lui permet de prendre en charge la bonne humeur du groupe. Ce n’est pas difficile de lier avec lui ! Il a un côté chef de fête qui rend le personnage constamment crédible. »

Pour l’accompagner dans cette comédie potache, Lucas Bernard a choisi un casting relevé. Eye Haidara (le personnage d’Adèle dans Le Sens de la Fête, entre autre), grande habituée des comédies, pour incarner Marianne ; et José Garcia, grand habitué des comédies, pour jouer Benazech, le capitaine du sous-marin. Le trio a dû s’éclater à tourner ce A Toute Allure : l’énergie positive déborde du long métrage.

Le scénario en lui-même reste assez basique : Marco, notre steward, se sort toujours des mauvaises passes les plus inextricables avec le bon mot. Il part à la conquête de son grand amour, quitte à traverser le globe pour Marianne. Mais le ton toujours enjoué, le comique des situations, et le rythme ronflant du film accroche le spectateur. A Toute Allure s’amuse de ses références, qu’elles aillent chercher dans les films sérieux de sous-marins (Octobre Rouge, USS Alabama) ou dans les comédies d’espions (L’Homme de Rio, OSS 117).

Au final, il faut reconnaître que le film possède ses défauts. Mais il faut aussi avouer que l’on ressort de la séance amusé et de bon humeur (et en ce moment, ça fait le plus grand bien !). Mission réussie donc pour cette petit comédie sans prétention !

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